207r

[207ra] comme par pillages qu’ilz faisoient sur le païs.

 

§ 7.

De pluseurs fais d’armes par ceulx de la garni­son de (la) Lourde, et comment le conte d’Armi­gnac et le seigneur d’Alebrest furent pris du conte de Foixa.

« Endementiers que1 b Pierre d’Auchin se tenoit en la garnison d’Ortingas, s’avancerentc une nuit aucuns de ses compaignonsd et vindrent au chastel du Paillier2 qui est a une lieue d’illece, dont messire Raimon de Paillierf estoit seigneurg. Et [firent] si bien leur emprise qu’ils l’eschelerent et pristrenth, et furent pris le chevalier, la dame et les enfansi dedens leurs lisj. Mais ilz laisserent aler la dame et les enfans, et retindrentk le chevalierl tant qu’il ot paié mil frans de raençon. Et finablement, quant ilz orent assez tormentém le païs, ilz ven­dirent ces .ij. chasteaux a ceulx du païsn pour la somme de .viijm. franso, puis retournerentp a Lourdeq. En telx fais et aventures se mettoient tous les jours les compaignons de Lourde.

« Si advint en ce temps que un Gascon, ap­pert homme d’arme appellé le Mongautr 3, se party de Lourde, lui .xxxe.s, et chevauchat en Tholosain et en Albigois. Si cuida bien escheller .j. chastel appellez Penneu 4, mais pour ce qu’il failliv, il fist a la porte [207rb] escarmoucherw, et la ot pluseurs appertises d’armes. A celle propre heure chevauchoit sur le païs le seneschal de Thoulouse maistre Hugues de Froide Ville5, a soixante lances, et cheÿ d’aventure a Pennes, endementres que li escarmouches se tenoit. Tantost il mist pié a terre, et ses gens aussi, et vindrent aux barrieres ou on se combatoit. Adonc se feust volentiers le Mongat partis se il peustx, mais il ne pouoit. La se combatiy il moult vaillam­ment main a main au chevalierz; et fist pluseurs appertises d’armes, et navra en deux ou en trois lieuxaa le chevalierab, mais finablement il fu prins, car la force n’estoit pas sienne, et ses gens aussi mors ou prins ; petit se sauverent. Si fu admenez le Mongaus a Thoulouse, et le vouloient lors la commune de la ville occirre es mains du senes­chal ; a grant painne le pot il sauver et mettre ou chastel, tant estoit il fort haïs a Thoulouse. Si bien li cheÿ et advint que le duc de Berry6 vint a Thou­louse. Il eust tant d’amis sur le chemin que le duc le fist delivrer parmi mille frans que le seneschal en ot pour sa raençonac.

« Quant le Mongaut se vit delivread, et il fu retournez a Lourde, pour ce ne cessa il pas a faire ses entreprinses, et se parti une foiz de Lourde, lui cinquiesmeae, sans armeures, en abit d’abbéaf, et menoit trois moines ; et li et les moines avoient couronnes rezes, et ne cuidast jamaiz nul, se ilz les veistag, que ce ne feussent droiz moines, car trop bien en avoient l’abbit et la contenanceah. En cel estat il vint a Montpellier7 et descendi a l’ostel a l’Angeai, et dist que c’estoit un abbé de la haulte Gascoigne qui s’en aloit a Paris pour besoignier. Il s’acointa d’un richeaj homme de Montpeslier qui se nommoit sire Berengier Osteak 8,

 

  1. C’est Espan de Lion qui nous parle, toujours.
  2. Pailhès, cant. Le Fossat (Ariège).
  3. Le Mongat de Sainte-Bazeille.
  4. Penne-du-Tarn, cant. Castel de Montmirail (Tarn).
  5. Hugues de Froideville occupa cette responsabilité en 1380 et, de nouveau, de 1383 à 1385.
  6. Troisième fils de Jean II le Bon, roi de France. Créé duc de Berry en 1360, il joua un rôle prééminent dans les affaires politiques françaises sous le règne de son frère, Charles VI. Protégea plusieurs des grands artistes de l’époque. Voir F. Autrand, Jean de Berry, Fayard (Paris, 2000).
  7. Montpellier, chef-lieu de département (Hérault).
  8. Béranger Oste, marchand de Montpellier.