270v

[270va] que ilz exaulcent en leurs paroles qui qu’ilz veulent¹, et pour ce ne sont pas mors ne peris^a les biens des bons^b, car se il n’est congneuz ou ramenteuz par eulx, si est il bien^c qui le^d voit et ramentoit^e quant il chiet a point².

– Par ma foy, respondi Laurencien Fougasse, de tous les estrangiers qui furent a la bataille de Juberot avecques le roy de Portingal, il n’y ot pas .ij^c. hommes, Anglois, Gascons et Alemans, et les greigneurs capitaines des estrangiers qui y furent, ce furent deux Gascons et un Alemant de la du­chié de Guerles. Les Gascons nommoit on mes­sire Guillaume de Montferrant³ et Bernardon⁴, et l’Alemant Alebreth^{f 5}. Des Anglois y ot aucuns archiers^g, mais je n’y oÿ onques nommer homme de nom, fors deux escuiers, Nortberi⁶ et Harte­celle^{h 7}. Si furent ilz appellez au conseil du roy et des seigneurs quant on deust assemblerⁱ.

– Or avant, dist le duc, beau Laurencien, or me comptez ceste journee comment elle se porta, et comment elle fu combatue, et je vous em pry. »

L’escuier respondi :

« Monseigneur, volentiers, car pour le vous dire si comme elle ala m’a on ci envoyé. »

Lors^j commença Laurencien Fougasse a renou­veller son compte et a parler de la besoigne et escouvenue^{k 8} de Juberot, et dist ainsi :

« Vous avez bien oÿ dire par moy et par au­trui, se il vous plaist, que aprés le couronnement^l du roy de Portingal qui fu couronnez a Connimbres⁹, si comme je vous ay dit, le roy de Castille qui levez estoit du siege de Lusebonne pour la pestillence de la mortalité^m qui fu entre ses gens, et se fu retrait a Saint Irain¹⁰, moult li pesaⁿ – ce dit on^o – quant il sçut et fu enfourmez du couronnement de mon tresredoubté seigneur [270vb] le roy Jehan, car il clamoit droit – et claime^p – a l’eritaige et couronne de Portingal, si comme vous savez, depar la royne de Castille sa femme qui fu fille au roy Ferrant. Et nous disons que non, et les poins et les articles je vous ay monstrez et desclairez^q, si ne m’en fault plus par­ler, car vous les avez bien entenduz, mais vueil retourner a la matiere. Le roy de Castille fu consei­lliez, si comme il apparut, d’envoier querir gens d’armes et souldoiers partout ou il les pourroit avoir, et par especial ou royaume de France, car François li ont tousjours aidié a soustenir sa que­relle, et le roy son pere, et fait sa guerre^r. Et li fu dit :

« “Monseigneur, il ne vous fault avoir que une journee arrestee contre ceulx^s du royaume de Portingal, et se par puissance vous les pouez tenir aux champs et combatre, vous en vendriez a vostre entente, car ilz sont en grant different et descort ou royaume de Portingal ensemble, si comme vous savez et vëez, car ja maintenant avez avecques vous des plus haulx et des plus nobles du paÿs qui se sont mis en vostre obeis­sance, et c’est une chose qui moult grandement embellist et esjouist vostre guerre. Si vous avan­ciez de combatre atout puissance de bonne gent cel bastart et intrut^t de Portingal que les commu­nautez ont couronné a roy, avant que il se fortifie des Angloiz. Vous le ruerés jus, et quant vous arez^u journee pour vous, tout le paÿs sera vostre, car il n’est pas grant a conquerre.”

« Si que, Monseigneur, le roy Jehan de Cas­tille s’avança et envoya ses lettres et ses mes­saiges en France, en Poitou, en Bretaigne, en Normandie^v, en Bourgoigne, en Picardie et en pluseurs lieux

1. Sur Froissart et les hérauts d’armes voir notre « Heralds, Heraldry and the Colour Blue in the Chronicles of Jean Frois­sart », dans E. Kooper (éd.), The Medieval Chronicle, Costerus New Series 120, Rodopi (Amsterdam/Atlanta, 1999), 40-55.
2. Comprendre : le chroniqueur bien renseigné vient com­pléter ces lacunes ou corriger les bourdes de certains hérauts. Les paroles sont en toute apparence celles du duc de Lan­caster (ou présentées comme telles), mais les sentiments relèvent bien de la pensée de Froissart.
3. Guillaume de Montferrand ?
4. Non identifié. Mirot (SHF XII, p. lxiv, n4) fait remarquer qu’il ne peut s’agir de Bernard de la Salle, « alors en Provence au service de Louis II d’Anjou ».
5. Albrecht de Gueldre ? Cf. SHF XII, p. 277 : « ung Alemant de la duchié de Guerles ».
6. Nortbury.
7. Hartecelle ou Hardreshull ?
8. Cf. SHF XII, p. 278 : « avenue ».
9. Coïmbra.
10. Santarém.