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pb 139 rCXXXIX

qu’on n’attendoit autre que
lui. Le duc de Berri chevaul
choit tousjours avant a pe
tites journees. Or se partit
le connestable de France de
Landrignier, une cité seant
en Bretaigne atout grant
charge de gens d’armes et
de pourveances et estoient
en somme LXXII vaisseaulz
tous chargiéz. En la compai
gnie du connestable estoient
les nefz qui menoient la ville
ouvree et charpentee de boys
pour asseoir et mettre sur ter
re quant on seroit arivé en
Angleterre. Le connestable et
ses gens eurent asséz bon vent
du commencement. Mais
quant ilz approcherent Angle
terre
, il leur fut trop grant et
trop dur et plus cheminoient
avant et plus s’efforçoit. Et
advint que a l’encontre de
Megasse a l’embouchement de
la Tamise
le vent leur fut si
grant que voulsissent ou non
les maronniers, leurs nefz
furent toutes esparsés et n’es
toient point vint voilles en
semble. Et bouta le vent en
la Tamise aucunes nefz qui
furent prinses des Anglois.
Et par especial il en y eurent
deux ou trois parties de celle
ville et les maistres qui celle
ville avoient charpentee a
menéz a Londres et en eurent
le roy et les Londriens grant
joye. Et perirent en Zellande
encores sept navires chargés
des pourveances du connes

table. Mais le connestable et
les seigneurs a grant peril
arriverent a l’Escluse.
De la venue du connes
table et des barons fut
grandement resjouy le roy de
France et lui dit le roy si tost
comme il le vint veoir: "Qu’en
dittes vous, connestable? Quant
partirons nous? Certes j’ay
grant desir de veoir Angleterre.
Je vous prie que vous avancéz
vostre besoigne et nous met
tons hastivement en mar car
vecy mon oncle de Berry qui
sera cy devers nous dedens
deux jours. Il est a Lille." "Sire,"
dit le connestable, "nous ne
nous pouons partir jusques
a ce que nous ayons vent pour
nous. Ce vent nous est tout
contraire et les maronniers
dient qu’ilz ne le veyrent on
quesmais tant venter d’un
tenant qu’il a fait puis deux
moys." "Connestable," dit lors
le roy, "par ma foy, j’ay esté en
mon vaisseau et me plaisent
tresgrandement les affaires
de la mer et croy que je seray
bon maronnier. Car la mer
ne m’a point fait de mal." "En
nom Dieu," dit le connestable,
"si a elle fait a moy car nous
avons esté en grant peril de
estre periz en venant de Bre
taigne
." La voult savoir le
roy comment et par quelle
maniere et il lui recorda. "Par
fortune, sire, et par grans et
impetueux vens qui nous pb 139 v