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quant le duc eut ouy ces paroles,
il penssa un petit et puis respon
dit : "Dieux y ait part! Ne vous ef
fraéz ne soussiéz de riens car les
choses venront a bien, ce sont
gens qui ne vous veulent nul
mal car je suis en aucune chose
tenu envers eulx et ay traittiéz
a eulx lesquelz il convient que je
porte oultre et que je m’en acquite.
Je m’en vois a Vennes. Et demain
je croy bien qu’ilz venront. Si
iray contre le conte, mon frere,
le conte de Boquingant, mon frere
,
et lui feray toute l’onneur que je
pourrai car au voir dire je y suis
bien tenu. Et du surplus vous
feréz ainsi comme je vous conseil
leray : vous lui offriréz et presenteréz
les clefs de vostre ville et lui diréz
que vous et la ville estes tous rebra
céz et apareilliéz de lui recevoir.
Sauve tant que vous lui feréz
jurer que XV jours aprés ce qu’il
sera requis du partir, il partira
et vous rendra les clefs de la ville
et vezci tout le conseil que je vous
donne." Les bourgois de Vennes, qui
chevauchoient emprés le duc,
respondirent et distrent :
"Monseigneur, et nous en ferons
tout a vostre ordonnance." Depuis
chevauchierent eulx tous ensem
ble jusqu’a Vennes. Et la se lo
ga le duc celle nuit. Et les Anglois
s’en vindrent logier a Saint Jehan,
en un villaige seant a deux peti
tes lieues de Vennes. Ce soir re
ceupt lettres le conte de Bouquingan
du duc de Bretaingne qui lui escri
voit comme a son chier frere, car
le duc la seur du conte espou
see qui estoit fille du roy d’Angle

terre, et lui mandoit qu’il estoit le
bien venu en la marche de Vennes.
Au lendemain, quant le conte ot
oÿ messe et beu un coup, il monta
a cheval et tous monterent ses
gens et chevauchierent moult
ordonnement devers la bonne cité
de Vennes
, l’avantgarde premier,
le conte de Bouquingant aprés en
sa bataille. Et puis l’arierregarde
ensuivant la bataille du conte.
Ainsi les encontra le duc de Bre
taingne qui issit de Vennes a l’en
contre d’eulx environ une grant
lieue. Et quant il et le conte s’en
trecontrerent, ilz s’entrefirent
moult grant honneur. Et aprés
ces recuellettes qui furent moult
honourables et en chevauchant
l’un de costé l’autre, le conte a destre
et le duc a senestre, le conte de Bo
quingant
entra en paroles et dist :
"Saintte Marie ! Beau frere de
Bretaingne, que nous vous avons
tant attendu devant Nantes, la
nous estans au siege ainsi que
l’ordonnance se portoit entre vous
et moy et si n’i estes point venuz !"
"Par ma foy, monseigneur, je n’en ay
peü autre chose faire et vous
di bien que j’en ay esté trop
durement courroucié, mais je
ne le pouoie amender nullement.
Car mes gens de ce païs pour
nulle chose que je leur aie sceu ne
dire ne monstrer ne queles ali
ances a leurs requestes ilz ont fai
ttes a vous, ilz ne se sont voulu
traire avant pour aler au siege
avecques moy devant Nantes.
Et se tiennent tous pourveuz
sur les frontieres le sire de Cliçon,
le sire de Dynan, le sire de Laval, pb 48 v