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les seigneurs, le connestable de France et les
mareschaulx de France, de Bourgoingne et
de Flandres, ensemble en conseil pour sa
voir comment on s’ordonneroit, car on di
soit communement en l’ost que ce estoit cho
se impossible d’entrer en Flandres, ou cas
que les passaiges de la riviere estoient si
fort gardéz. Encores derechief tous les
jours il plouvoit tant que il faisoit si frez
que on ne pouoit aler avant, et disoient
les aucuns saiges du royaulme de Fran
ce
que c’estoit grans oultraiges par tel
temps de avoir admené le roy en tel paÿs
si avant , et qu’on deust bien avoir attendu jusques
a l’esté pour guerroier en Flandres. Sy lui dist le
sire de Cliçon, connestable de France, au conseil : "Je ne
congnoys ce paÿs de Flandres, car oncques n’y
fu en me vie. Ceste riviere du Lis est telle et sy
malle a passer qu’on n’y puet trouver passaige
fors que par les certains pas ?" On lui respondy : "Sire,
ouyl, ne il n’y a nul gué, et sy cuert son courant
sus marescaiges, ou on ne pourroit chevau
chier." Dont demanda le connestable : "Et dont vient
elle d’amont ?" On lui respondi qu’elle venoit de devers
Aire et Saint Omer. "Puisqu’elle a commencement," dist
le connestable, "nous la passerons bien. Ordonnons noz
gens et leurs faisons prendre le chemin de Saint
Omer
, et la passerons nous la riviere a nostre ayse, et
entrerons en Flandres et oultre au long du paÿs ou
qu’i soyent, ou devant Yppre ou aylleurs. Ilz sont
bien sy orgueilleux et sy oultrecuidié qu’ilz ven
dront contre nous." A ce propos du connestable s’accor
derent tous les mareschaulx. Et demourerent en
cest estat toute la nuit jusques a l’andemain que le
sire de Labreth, le sire de Coucy, le sire de Pommiers
et messire Jehan de Vianne, admiral de France,
messire Guillaume de Poittiers, bastart de Langres, le
Becgue de Villaines, messires Raouls de Coucy, le con
te de Conversant, le visconte d’Assy, messire Raoul de
Rainneval
, le sires de Saintpy, messire Guillaume des
Bordes, le sire de Sully, messire Olivier du Glay

aqui, messire Mourisse de Tresiguidy, mes
sire Guy le Baveux, messire Nicole Panniel,
les deux mareschaulx de France, messires Loÿs
da Xancerre, et le seigneur de Blainville, et les
mareschaulx de Bourgoingne et de Flandres, et messire
Anguerran d’Eudin, vindrent en la chambre
du connestable de France, pour avoir certain arrest
et advis comment on s’ordonneroit, se on pas
seroit parmy Lisle pour aler a Commines et a
Warneston, ou les pas estoient gardéz, ou se on
yroit amont, vers la Corge de Vencien et Saint
Venant
et Estelles et passer la la riviere du
Lis
. La ot entre ces seigneurs plusieurs parol
les retournees, et disoient ceulx qui congnois
soient le paÿs : "Certes, ou temps de maintenant,
il ne fait nul aler en ce paÿx de Clarambon,
ne en la terre de Baillouel, ne en la chastelle
rie de Cassel
, de Furnes ne de Berghes." "Et quel
chemin tendrons nous dont?" dist le connestable. La
dist le sire de Coucy une moult haulte parolle :
"De mon advis je conseilleroie que nous alissions
a Tournay la passer l’Escault et cheminer de
vant Audenarde, ce chemin la ferons nous bien
ayse, et la combatre noz annemys, nous n’aurons
nul empeschement. L’Escault passé a Tournay,
sy venrons devant Audenarde et tendrons droit
au logeys Phelippe d’Artevelle, et si serons tous
les jours rafreschy de toutes pourveances
qui nous venront du costé de Haynault et qui
nous suivront de Tournay par la riviere." Ceste
parolle ditte du seigneur de Coucy fut bien en
tendue et voulentiers ouye, et des aucuns
longuement soustenue. Mais le connestable
et les mareschaulx s’enclinoient trop plus a aler tous
jours mieulx aquerir et faire brief passaige a
son loyal pouoir que de aler a destre ne a senes
tre querre plus longtain chemin, et y mettoient
raysons raysonnables, car ilz disoient : "Se nous
alons querrant autres chemins que le droit, nous ne
monstrons pas que nous soyons droittes gens d’armes,
a tout le moins se nous n’en faisons nostre devoir de y alerpb 119 r