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pluseurs autres. Messire Gaultier de
Mauny
et le sire de Basset enclinerent
au roy. Le sire de Mauny, qui sages estoit
et enlangagié, et le roy le vouloit sou
verainement oir, dist : "Monseigneur,
nous venons de Calais et avons trouvé
le cappitaine messire Jehan de Vienne.
Et me semble que lui et ses compaignons
et la communaulté de Calais son en
grant voulenté de vous rendre la ville
et le chastel et tout ce qui dedens est,
mais que leurs corps singulierement
ilz en peussent mettre hors." Dont res
pondit le roy: "Messire Gaultier, vous
savéz la greigneur partie de nostre enten
tion en ce cas. Quelle chose en avéz vous
respondu?" "En nom de Dieu, monseigneur,"
ce dist messire Gaultier, "que vous n’en
feréz riens s’ilz ne se rendent simple
ment a vostre voulenté, pour vivre ou
pour mourir s’il vous plaist. Et quant
je leur ay ce monstré, messire Jehan
de Vienne
me respondy et congnist
bien qu’ilz son moult abstrains de fa
mine, mais ainçois qu’ilz entrassent en
ce parti ilz se vendroient si chier que
oncques gens firent." Adont le roy
respondit et dist: "Messire Gaultier, je
n’ay mie espoir ne voulenté aussi que
je en face autre chose." Lors se traist avant
le sire de Mauny et dist moult sagement
au roy pour aidier ceulx de Calais:
"Monseigneur, vous pourriéz bien avoir
tort, car vous nous donnéz mauvais
exemple. Se vous nous vouliéz envoie
en aucune de voz forteresces nous ne
yrions mie si voulentiers, se vous faites
ces gens mettre a mort ainsi que vous
dites. Car ainsi feroit on de nous en
semblable cas." Cest exemple amolia
grandement le courage au roy d’An

gleterre, car les barons qui la estoient
l’aiderent a soustenir. Donc dist le
roy: "Seigneurs, je ne veuil mie estre
tout seul contre vous tous. Monseigneur
Gaultier
, vous en yréz pardevers
Calais et diréz au cappittaine que la
plus grant grace qu’ilz pourront
trouver en moy c’est que ilz se partent
de la ville de Calais six des plus no
tables bourgois, en purs les chiefs
tous deschaulx, les hars es cols et
les clefs de la ville et du chastel en leurs
mains. Et de ceulx je feray a ma vou
lenté, et le demourant je prendray a mercy."
SHF 1-312 sync Comment Calais fut rendu au roy
d’Angleterre
et du meschief que
ceulx de la ville souffrirent ainçois
qu’ilz se rendeissent.
A ces parolles se partit du roy
le gentil sire de Mauny et
retourna jusques a Calais, la ou messire
Jehan de Vienne
l’attendoit. Si lui
recorda toutes les parolles devant
dites, ainsi que vous les avéz oyes,
et dist que c’estoit tout ce qu’il en avoit
peü impetrer. "Messire Gaultier," dist
messire Jehan, "je vous en croy bien.
Or vous prie je que vous veuilliéz tant
cy demourer que j’aie remonstré tout
cest affaire a la communaulté de
la ville
, car ilz m’ont cy envoié, et
a eulx en tient, ce m’est advis, du
respondre." Le sire de Mauny dist: "Je le
feray voulentiers." Lors se partit des
creneaulx messire Jehan de Vienne
et vint ou marchié et fist sonner la
cloche pour assembler toutes manieres
de gens en la halle. Au son de la cloche
vindrent ilz tous, hommes et femmes, pb 154 r