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voyer tout hors de l’ost et le fist mettre ou
chemin de Tournay. Quant il fut venuz
a Tournay, on lui enseigna l’ostel a l’evesque
de Laon, si se trayst celle part et fist tant que
il vint devant l’evesque et se mist a genoulx
et fist son messaige bien et a point. On lui
demanda des nouvelles d’Audenarde et
de l’ost. Il en respondy ce qu’il en sçavoit, et
lui donna on a disner. Entrementes qu’il dis
noit, il fut tresbien examiné des gens de l’e
vesque, et puis se party. L’evesque de Laon ne
voulst mie ouvrir la lettre sans ses compai
gnons, et quant ilz furent tous troys les
evesques et chevaliers ensemble on ouvry ces
lettres et furent leues a grant loysir, et bien
examinees et considerees. Adonc parlerent
ilz ensemble et dirent: "Ce Phelippe ad ce qu’il mon
stre est plain de grant orgueil et presumpcion,
et petitement ayme la magesté royal de Fran
ce." Lors conseillerent ilz ensemble, et eulx
conseilléz ilz dirent: "Le prevost et les juréz
et les consaulx de Tournay, en laquelle cité
nous sommes, scevent bien que nous avons
envoyé a Phelippe d’Artevelle et aux villes de
Flandres. C’est bon qu’ilz oyent la responce
telle que Phelippe nous a fait." On envoya querir
les prevostz, on ouvry la halle, on sonna
la cloche, tous ceulx du conseil vindrent.
Quant tous furent venuz on leut et releut
par deux ou par trois foiz tout generaulment
ces lettres. Les saiges s’esmerveilloient des pre
sumptieuses parolles que dedens estoyent.
Adonc fut conseillié que la couppie de ces
lettres demourroient a Tournay. A tant
se departy ce conseil et s’en retourna chascun
en son hostel.
SHF 2-305 sync Phelippe d’Artevelle, qui se tenoit a l’ost devant
Audenarde ainsi comme vous savéz, ne se
repentoit mye de ce que durement et poingnam
ment il avoit escript en aucune maniere
aux commissaires du roy de France, mais

il se repentoit de ce que amyablement ou plus
encores asséz il n’avoit escript au prevost
et juréz de Tournay en faignant et en
monstrant amour, quoyque petit y eust. Par
voye de dissimulacion il dist que il y es
criproit. Car il n’y vouldroit mye nourir
toute la hayne ne malle amour qu’il
pourroit bien. Sy escripsi Phelippe en la
fourme et maniere comme cy s’ensuit et
fut la subscripcion telle: A honnourables
et saiges noz chiers et bons amys les
prevost et juréz de la cité de Tournay.
SHF 2-306 sync Lettres transmises a ceulx de Tournay par
Phelippe d’Artevelle et comment le roy de France et son
conseil furent infourméz des responces
aux Flamens.
Oreschier et bons
amis, vous playse sçavoir que nous
avons receus unes lettres mencion faisans
de deux voz bourgoys et manans, portans
lettres a Gand et a Bruges des commissaires
du roy de France prins et detenuz par
nous pour avoir hors de prison a la priere
de vous, par quoy la bonne amour et af
feccion qui est et se Dieu plaist, perseve
rera entre vous et le commun paÿs de
Flandres, soit de tant plus perseveree,
laquelle amour, treschiers amys, nous
semble bien petite. Car a nostre congnoissan
ce est venu que le roy de France, le duc de Bour
goingne, le duc de Bretaigne et plusieurs
autres grans seigneurs s’assemblent forment
pour venir en l’ayde de monseigneur de Flandres
sur le paÿs de Flandres et pour avoir le
dit paÿs pour combatre, nonobstant
les lettres que ilz nous envoyerent pour
traittier paix et accord, ce que a nous ne
semble pas voye faisable a ceulx appar
tenant dont nous sommes sus nostre gar
de et deffence et serons d’ores en avant
de jours et de nuiz. Et tant que des pri
sons voz bourgoys, sy sachiéz que nous pb 118 r