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pb 189 rC IIIIXX IX

quelle messire Mahieu Rademen estoit
cappitaine, qui receut le roy lieement.
Car la cité est a luy. Gaires ne sejour
na le roy a Bervich, quant il passa oul
tre et toute l’ost et passerent la riviere
de Tuide, qui vient de Rosebourc et d’amont
des montaignes de Northombrelan
de
, logier en l’abbaye de Miaures. Onc
ques en devant pour toutes les guer
res d’Escoce et d’Angleterre celle abbaye
n’avoit eu nul dommaige, mais elle
fut adonc toute arse et exillee. Et es
toit l’entencion des Angloys que ain
coys que jamaiz il rentrassent en
Angleterre, ilz destruiroient toute
Escoce pour la cause de ce que ilz s’esto
ient fortiffiéz en celle sayson des Fran
çoys. Quant l’admiral de France
sceut les nouvelles que le roy d’An
gleterre et les Angloys avoient passee
la riviere du Thim et celle aussi de la
Tuide et que ilz estoient a la Mourlane
et entréz en Escoce, sy dist aux ba
rons d’Escoce
: "Seigneurs, pourquoy se
journons nous cy? Que ne nous met
tons nous en lieu pour veoir et advi
siez
noz annemis et eulx combatre?
On nous avoit infourméz ainçoys
que nous venissons en ce paÿs que
se vous aviéz mille lances ou environ
de bonnes gens de France, vous seriéz
fort asséz pour combatre les Anglois.
Je me faiz fors que vous en avéz bien
mil et plus et cinq cens arbalestriers
et vous dy que les chevaliers et les escuiers
qui sont en ma compaignie, sont droites
gens d’armes et fleur de chevalerie, et
point ne fuiront mais attendront l’ad
venture telle que Dieu la nous voul
dra envoyer."
SHF 2-477 sync A ces parolles respondirent les ba

rons d’Escoce, qui bien congnoissoient les
Angloys et leur puissance et qui nulle
voulenté n’avoyent du combatre: "Par
ma foy! Monseigneur, nous creons bien
que vous et les vostres sont toutes gens
de fait et de vaillance. Mais nous en
tendons que toute Angleterre est widie
pour venir en ce paÿs, ne oncques ne se
trouverent les Angloys tant de gens en
semble comme ilz sont ores, et nous vous
mettrons en tel lieu que vous les pour
réz bien veoir et advisiéz. Et se vous con
seillés que ilz soyent combatuz, ilz n’en se
ront ja depar nous reffusé. Car voirement
toutes les parolles que vous avéz dittes
et mises avant et que vous nous dittes."
"Depar Dieu!" dist l’admiraulx, "et je le vu."
Depuis ne demoura mie longuement que
le conte de Douglas et les autres barons
d’Escoce
menerent l’admiral de France
sus une forte montaigne en leur paÿs ou
dessoubz avoit un pas par ou il conve
noit passer les Angloys, cariaiges et
toute l’ost. De celle montaigne ou l’admi
rault estoit et grant foyson de chevalerie de
France en sa compaignie, virent ilz tout
clerement la puissance des Angloys.
Sy les advisierent au plus justement
que ilz porent et les nombrerent a six
mille hommes d’armes et bien, que gros
varlés, que archiers, soixante mille. Sy
distrent en eulx meismes, tout consideré,
que ilz n’estoient pas gens asséz pour eulx
combatre. Car des Escos ilz ne se trouverent
point mille lances et autant de leur cousté,
et environ XXX mille d’autres gens et moult
mal arméz. Sy dist l’admirault au conte
de Douglas et au conte de Mouret: "Vous a
véz asséz rayson de non vouloir combatre
ces Angloys, mais advisiéz vous que vous
vouldréz faire. Ilz sont bien si fort que pour pb 189 v