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pb 286 v

annemy a monseigneur et a madame
de Bourgoingne
." Le baillif de Gand s’en
passa oultre a tant, et Françoys Acremen
retourna a l’ostel et fist a ses varléz met
tre jus ses armeures, et entra en une
marmouserie que le plus du temps il
aloit tout seul parmy la ville de Gand,
ou a la foiz il menoit un varlet ou un seul
enffant en sa compaignie. Or advint que
a une feste ou il se tenoit au dehors de Gand
en l’abbaye de saint Pierre, il ala ainsi que
tout seul, luy et un varlet seullement,
sans armeures et sans espee. Il fut pour
suivy et espié d’un bastart, filz au seigneur
de Harzelles qui avoit esté
, lequel voulst
vengier la mort de son pere, de laquelle
mort Françoys Acremen, si comme renom
mee couroit, estoit grandement coulpa
bles473. Ce bastart estoit pourveu de son fait,
et poursuivy Françoys de loing, et tant
que hors de la ville de Gand et ensus de
gens il l’ataigny et l’escria parderriere
en disant: "Françoys, a la mort! Vous feystes
mourir mon pere, et vous mourre aussi."
Ainsi que Françoys se retourna, ce bastart
qui estoit un fort varlet lasche parmy
la teste un coup d’un braquemart sy pe
sent
que il le pourfendy jusques aux
dens et l’abbati la tout mort a terre. Sy
s’en ala le bastart tout paysiblement.
Nul ne le suivoit, il n’en fut plus.
Ainsi mourut Françoys Acremen. Mourir
devoit, car il ne voulst oncques croirre
Pietre du Boys. Sy luy en meschey. Quant
les nouvelles en furent venues en An
gleterre
et Pietre du Boys le sceut, il ne
le plaigny que un petit et dist: "Je l’en a
voye bien advisié, et chanté toutes ses
vigilles avant que je m’en partesisse de
Gand. Se il luy en est mal pris, or queréz
qui l’admende. Ce ne feront pas ceulx

qui, la guerre durant, l’onnouroyent
et l’enclinoyent. Pour telz doubtes ay
je creu messire Jehan de Boursier et suis
venuz en Angleterre."
SHF 3-105 sync Or retournons encores aux pro
visions qui se faysoient et qui se
firent en ce temps si grandes et si gros
ses au Dam et a l’Escluse, que on ne trou
voit point en memoire de homme ne
par escripture la pareille, ne on n’es
pargnoit non plus or ne argent que
donc qu’il pleust des nues ou que on
l’espuisast en la mer. Les haulx barons
de France
avoient envoyé a l’Escluse
leurs gens pour appareiller leurs
ordonnances et chargier leurs vais
seaulx et pourveoir de tout ce que il
leur besoingnoit. Car il n’en y avoit
nulz vrayement qui ne deust passe,
et le roy, com jeunes qu’il feust, en a
voit il plus grant voulenté que nulz
des autres, et bien le moustra tousjours
jusques a la fin. Tous s’efforçoyent
les grans seigneurs l’un pour l’au
tre a faire grandes provisions et a
jolier et a cointtoyer leurs nefs et leurs
vaisseaulx, et a enseigner et armoier
de leurs pareures et armeures, et vous
dy que proviseurs y eurent trop bien
leur temps. Ilz gaingnerent ce que
demander vouloyent. Encores n’en
pouoit on recouvrer. On faisoit bannieres,
pennons, estramieres de cendaulx si bel
les que merveilles seroit a penser. On
paignoit les mats des nefs dessoubz
jusques en comble, et couvroit on les
plusieurs, pour mieulx monstrer richesce et
puissance, de fueilles de fin or, et dessus
on y faisoit les armes des seigneurs
auxquelz les nefs se rendoyent. Et par
especial il me fut dit que messire Guy de la Tripb 287 r