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deux filles. Je vous donne et accorde tres
maintenant l’une des deux, laquelle il vous
plaira mieulx a prendre. Sy envoiéz vostre
conseil
et je la vous envoyeray." "Grant
mercy", dist le roy, "vous me offréz plus que
je ne demande. Ma cousine de Castille
Katherine
je vous layray, mais Phelippe vostre
fille de vostre premier mariaige
je deman
deray et espouseray, et royne de Portin
gal
je la feray." A ces motz se desrompy
leur conseil, si fut heure de disner. On s’as
sist a table, le roy et les seigneurs ainsi que
ilz avoient fait le judi. Sy furent ser
viz puissamment et nottablement
selon l’usaige du paÿs. Aprés ce disner
retourna le duc de Lancastre a Margas
se
et le roy de Portingal s’en ala a Mouson.
Le samedy aprés messe monterent de re
chief le roy et le duc et s’en revindrent
au pont de More ou ilz avoient esté les au
tres jours en grant arroy et en grant estat.
Et donna ce jour a disner le duc de Lancastre
au roy de Portingal et a ses gens, et estoy
ent chambres et salles parees de l’armoierie
de haulte lice et de broderie du duc aussi
richement et aussi largement que se il feust a
Londres, a Harfort ou Licestre en l’une de
ses maisons en Angleterre, et prisierent grande
ment les Portingallois tel affaire. Et en
ce disner ot III evesques et VII arcevesques
a la haulte table, l’evesque de Luscebonne, l’e
vesque du Port
, l’evesque de Connimbres et l’ar
cevesque de Bages en Portingal
, et le roy de
Portingal
ou mislieu de la table et le duc
de Lancastre
un petit dessoubz luy, et
dessoubz duc le conte de Novaire et le
conte d’Angouse, Portingalloys. A l’autre
table seoit le premier le maistre Denis et
puis le maistre de saint Jaques en Por
tingal, et le grant maistre de saint Jehan
et puis Diougalopés Pertek, Jehan Ferrant

son filz et le Ponnasse de Coingne, Vassemar
tin de Coingne
, le podich d’Asenede, Vassemartin
de Merlo
, Gonsalvas de Merlo, c’estoit la se
conde table, et tous barons et plusieurs chevaliers
et escuiers de Portingal. Car oncques An
glois
ne sist se jour a table ou le grant dis
ner fut, mais servoyent tous chevaliers et es
cuiers d’Angleterre. Et y ot la grant foyson
de menestrieux, sy leur donna le duc cent
nobles, et aux heraulx cent. Aprés ce disner
les seigneurs pristrent congié amiable
ment et finablement jusques a une autre foiz.
Le roy party et le duc d’autre part, et retour
na le roy de Portingal devers le Port et le duc
devers Margasse, et prist le chemin de Gallice.
Sy le convoya a cent lances de Portingal le
conte de Novaire, et le mena tant que il fut
hors de tous perilz, et puis prinst congié le
conte et retourna arrieres en Portingal,
et le duc s’en vint a Saint Jaques en Gallice.
Moult desiroit la duchesce de Lancastre
la revenue du duc son mary et seigneur
pour sçavoir toutes nouvelles comment
les accointances se sont portees. Si fut le
duc si bienvenuz a son retour, ce fut rayson.
La dame luy demanda du roy de Portingal
quelle chose il luy en sembloit. "Par ma foy",
dist le duc, "il est gracieux homme et a bien
corps, maniere et ordonnance de vaillant homme,
et est mon espoir que il regnera en puissan
ce, car il est amé de ses gens, et disent que ilz
n’eurent, passé a cent ans, qui si bien leur
cheyst en cuer ne en grace, et n’a encores
d’aage que XXVI ans. Il est fort chevalier et dur
selon la nature de Portingalloys, et est bien
taillé de corps et de membres pour porter et
souffrir peine." "Et des mariaiges", dist la
dame, "comment en va?" Dist le duc: "Je luy ay
accordé l’une de mes filles." "Laquelle?" dist
la dame."Je l’ay mys a choys ou de Katheri
ne
ou de Phelippe. Il m’en sceut bon gre. Toutefpb 295 v