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nous495." "Nennil", dist le mareschal, "ja pillart
n’entrera en vostre ville, ne vous n’y perd
rés riens par nous. Nous n’en deman
dons que l’obeyssance." A ces parolles furent
ilz d’accord. Adonc entra le mareschal
et ses gens en la ville tout doulcement,
et l’ost se tint es logeys et es tentes de
dehors. On leur envoya XXIIII sommades
de bon vin et autant de pain, et de la
poullaille grant foyson pour les seigneurs.
Et le mareschal demoura ce jour en la
ville et y mist officiers depar le duc
de Lancastre
. Et y ordonna un Gallicien,
homme de bien, a cappitaine, lequel avoit tousjours
esté en Angleterre avecques madame
Constance
, et duquel ceulx de Ponte Viede
se contempterent grandement. Et demoura
la le mareschal toute la nuit, et a l’ande
main il retourna en l’ost. SHF 3-113 sync Or orent ilz
conseil que ilz se retrairoient devant une autre
ville qui leur estoit rebelle aussi, a VI
lieues de la, laquelle on appelloit Digho.
Si se mistrent au chemin et firent tant que
ce jour ilz envoierent audevant, quant ilz furent
pres, que ilz se voulsissent rendre ainsi
que ceulx de Rondelles et de Ponte Viede
estoient renduz, ou ilz aroient au matin
l’assault. Ceulx de Digho ne firent compte
de ces menaces et distrent que autreffoiz
les avoit on assailliz, mais on n’y avoit
riens conquesté. Quant la responce fut faitte
au mareschal, si dist: "Et par saint Gerge,
ilz seront assailliz de grant façon! Les vil
lains sont ilz si orgueilleux que ilz ont
ainsi respondu?" A l’andemain ilz se des
logierent bien matin et se mistrent au che
min. Quant ilz vindrent devant la ville,
ilz mistrent pié a terre et se ordonnerent
pour assaillir, et ceulx de dedens aussi
pour deffendre la ville qui n’est pas grande,
mais elle est forte asséz. Et croy bien que

se il y eust eu en garnison bonnes gens d’armes,
chevaliers et escuiers qui par advis l’eussent sceu
garder, les Angloys ne l’eussent point eue
sy legierement comme ilz orent. Car sitost que ilz
se virent assaillir et sentirent les sayettes
de ces archiers d’Angleterre et virent que plusieurs
des leurs estoyent navréz et bleciéz, car
ilz estoient malarméz, si s’esbahirent d’eux
meismes. Et dirent: "Pourquoy nous faisons
nous assaillir et blecier pour le roy de Cas
tille
? Autant nous vault a seigneur le duc
de Lancastre
, quant il a pour moullie la fille
qui fut du roy dam Pietre
que le filz au roy Hen
ry
. Bien savons et bien le veons que, se nous sommes
prins par force, nous serons tous mors et
le nostre sera tout perdu, et sy ne veons confort
de nul cousté. Il y a environ un mois que
nous envoyasmes devers le roy de Castille
a Burges en Espaigne, et fut remonstré a
son conseil le peril ou nous estions, et bien sa
vions que nous arions les Anglois si comme nous
avons ores. Le roy en parla a ses chevaliers de
France qui sont deléz luy, mais il n’eut point en con
seil que nul venist pardeça en garnison ne
autant bien en tout le paÿs de Gallice. Ad ce
que le roy monstre, il a aussi cher que elles soient
perdues que gaingnees496. On respondi a noz gens
qui la estoient envoyéz: "Aléz et retournéz, et
faictes du mieulx que vous pourréz". C’est bien donné
a entendre que nous ne nous facions pas occir
re ne prendre a force." A ces mots vindrent
les hommes de la ville a la porte, et monte
rent hault en une fenestre et firent signe que
ilz vouloient parler et traittier. Ilz furent
ouyz. Le mareschal vint la et demanda que
ilz vouloient. Ilz respondirent et distrent: "Ma
reschal
, faittes cesser voz gens. Nous nous ren
drons a vous ou nom de monseigneur de Lancas
tre
et de madame Constance, en la four
me et maniere comme les autres villes de Gal
lice
ont fait. Et se pourveances vouléz avoir, pb 297 v