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Quant le roy de Portingal entendy que
la duschesce de Lancastre et sa fille ve
noient, si en fut grandement resjouyz, et
envoya a l’encontre de elles des plus notta
bles de sa court, le conte d’Angouse et le con
te de Novarre, messire Jehan Redighés de
Sar, messire Jehan Ferrant Pertek, messire
Wassemartin de Merlo, messire Egheas
Coille et bien XL chevaliers, lesquelz chevau
chierent deux grandes lieues contre les
dames et les recueillirent grandement
et lieement et moult honnourablement.
Et la duchesce qui bien le sçavoit faire s’a
cointta aussi moult doulcement des ba
rons et des chevaliers, et estant sur les champs
l’un aprés l’autre elle enclina et les receut
de parolles et de maniere et par bon arroy.
Ainsi vindrent ilz jusques en la cité du Port,
et fut la duchesce et sa fille et toutes les
dames et damoiselles ordonnees de logi
er au palays. La vint le roy premiere
ment contre les dames et damoiselles
et en requeillant les baisa toutes l’une
aprés l’autre, et puis vint la royne bien
accompaignee de dames et de damoisel
les, laquelle receut sa dame la duchesce
et sa suer moult honnourablement, car
bien le sceut faire, et ne les voulst oncques
laissier sy furent en leurs chambres.
Moult fut toute l’ostellee resjouye de la
venue des dames; de toutes leurs accoin
tances ne me vueil je pas trop ensoing
nier de parler, car je n’y fus pas. Je ne le
sçay fors par le gentil chevalier messire Jehan
Ferrant Pertek
qui y fut et qui m’en infour
ma. La remonstra la duchesce au roy de
Portingal, quant heure fut, toutes les pa
rolles dont le duc son mary l’avoit advisee
et chargee du dire et compter. Le roy res
pondy moult doulcement et saigement
et luy dist: "Dame et cousine, je suis tout prest

se le roy de Castille se met avant sur les
champs, et aray sur trois jours trois
mille lances, car ilz logent tous aux
champs sur les frontieres de Castille,
et auray encores bien XXM combatans
de Connimbres de mon royaulme qui ne
font pas a reffuser. Car ilz me vallu
rent grandement a la bataille de Jubor
ee
a un jour qui fut." "Sire," dist la da
me, "vous parléz bien, et grant mer
cy sire. Se riens survient a monseigneur,
tantost il vous signiffiera." SHF 3-143 sync Ainsi se tin
drent ensemble en telles parolles et
en autres le roy de Portingal et la du
chesce. Or retournons un petit
a ceulx de Besances et compterons com
ment ilz exploittierent.
Quant ces six hommes de Besances
furent devant le roy de Castil
le, ilz se mistrent a genoulx et distrent:
"Tresredoubtéz sires, il vous plaise a
entendre a nous. Nous sommes ycy
envoyéz depar vostre ville de Besances,
laquelle c’est mise et de force en compo
sicion devers le duc de Lancastre et la
duchesce, et ont souffrance de non es
tre assailliz IX jours, et la, se vous y
venéz fors asséz ou envoyéz tellement
que pour resister contre la puissance
du duc, la ville vous demourra; et se
non ilz se sont oubligiéz et en ont bail
lé hostaiges que ilz se rendront. Sy
ques, tresredoubtéz roy, il vous en plai
se a respondre quelle chose vous en
feréz." Le roy respondi et dist: "Nous
nous conseillerons et puis aurés
responce." Adonc se departy le roy de
leur presence et rentra en sa chambre.
Je ne sçay se il se conseilla ou non, ne
comment la besoingne se porta, mais
yceulx six hommes de Besances furent pb 321 r