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Landrigiuer en Bretaigne avoit tresgrant
et tresbel apparant de naves, de hoquebos,
de barges, de ballenniers et de gallees, et
les pourveoit on de vins, de chars sallees,
de bescuit et de toutes chose si largement
que pour vivre quatre ou cinq moys tou
tes gens sans riens prendre ne trouver
sur le paÿs. Car bien sçavoient le connes
table et ses gens que les Anglois, quant
ilz sentiroient venir ne approuchier tant
de si bonnes gens d’armes en leur paÿs,
ilz destruiroient tout, par quoy nul n’eust
aysement des gens du plat paÿs. Et pour
ce faisoit le connestable ses pourveances
si fortes. D’autre part aussi, tout de une
yssue et de une armee et pour aler en An
gleterre
aussi se ordonnoit et appareil
loit une tresbelle et grande navie ou ha
vre de Harfleur
, car le sire de Coucy, le
conte de Saint Pol et l’admiral de Fran
ce devoient la monter atout deux mil
lances et pour aler en Angleterre. Et
tout estoit fait a l’entente, si comme renom
mee couroit, que pour attraire le duc, et
la duchesce de Lancastre hors de Castille.
Et pour en veoir le mouvement et la fin,
le duc de Bourbon se tenoit encores a Paris,
car bien sçavoit que se le duc de Lancastre
retournoit en Angleterre, il n’auroit que
faire en Castille ne travailler son corps
si avant. Et devoient en l’armee du connes
table estre et aler en Angleterre oncques
les Bretons. Avecques luy
Ange
vins
, Poittevins, Manssiaulx, Xantton
giers
, Bloisois, chevaliers et escuiers des basses
marches. Et avecques le conte de Saint Pol
et le sire de Coucy devoient estre François,
Normans et Picars, et le duc de Bourbon
avoit deux mille lances pour sa targe:
Berruyers, Auvergnois, Lymosins et Bour
guignons
des basses marches. Ainsi esto

yent en ce temps les choses parties en
France, et sçavoit chascun quelle chose ne
ou il devoit aler, fust en Angleterre
ou en Castille.
Bien est verité que le royaulme
d’Angleterre
fut en celle sayson
en grant peril et en pestillance plus
grant asséz que quant les villains
d’Exsesses et de la conté de Keult et d’A
rondel se rebellerent contre le roy et les
nobles et ilz vindrent a Londres. Et je vous
diray rayson pourquoy. SHF 3-156 sync Les nobles d’An
gleterre et les gentilzhommes
furent
adoncques tous d’un accord et de une
aliance avecques le roy contre les villains;
maintenant ilz se differoyent les uns
de l’autre trop grandement et le roy
d’Angleterre contre ses deux oncles
le duc d’Yorth et le duc de Glocestre, et
les oncles contre le roy. Et toute ceste hay
ne venoit et naissoit du duc d’Irlande
qui estoit tout le conseil du roy. Les
communaultéz en Angleterre en plu
sieurs lieux, cités et bonnes villes sça
voyent bien la difference qui entre eulx
estoit; les saiges le tenoient a grant
mal qui en pouoit naistre et venir,
les foulx n’en faisoient compte et diso
ient que c’estoit tout par envie
que les oncles du roy avoyent sus leur
cousin le roy, et pour ce que la couronne
d’Angleterre
leur esloingnoit. Et les
autres disoient: "Le roy est jeune, si croit
jeunement et jeunes gens. Mieulx
luy vauldroit et plus honnourable
et prouffitable lui seroit de croirre
ses oncles qui ne lui veullent que bien
et l’onneur et prouffit du royaulme
d’Angleterre
que celle poupee le duc
d’Irlande
qui oncques ne vit riens
ne oncques riens n’apprist, ne si ne pb 331 r