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feust yssu. Voz parolles le sauveront,
mais aléz parler a luy et luy demandéz
se il veulst paier cent mille frans tous
appareilléz. Je n’en prendray vous ne
autre en pleige fors que les deniers.
Et encores, se il me veulst rendre trois
chasteaulx et une ville telz que je vous
nommeray, chastel Briouth, Chastel
Josselin
, Le Blain et la ville de Jugon,
et m’en face mettre en possession ou
ceulx que je y commettray, je le vous
rendray." , "Monseigneur," dist le sire de
Laval, "grant mercy quant a ma prie
re vous descendéz. Et soyéz sceur que
tout ce que vous demandéz, je le vous fe
ray accomplir sans doubte, les chaste
aulx et la ville rendre et les cent mil
le frans paier avant que il se depar
te de ceans." SHF 3-166 sync Adonc le sire de Laval
frandement resjouy quant il vit que
son beau frere de Cliçon estoit hors du
peril et de la mort, et fist ouvrir la
tour. On l’ouvry au commandement
du duc et non autrement. Lors mon
ta le sire de Laval amont les degréz et
vint a un estaige de la tour ou il trouva
le connestable moult esbahy, car il
n’attendoit que la mort et estoit enfer
ré de trois paires de fers. Quant le sy
re de Cliçon vit le sire de Lava, si luy re
vint le cuer, et penssa que aucun trai
tié y avoit. "Avant," dist le sire de Laval
a ceulx qui la estoient envoyéz depar
le duc, "defferéz beau frere de Cliçon
et puis je parleray a luy." Et dist au
sire de Cliçon: "Vous feréz, beau frere, ce
que je vous diray." "Ouyl, beau frere," res
pondy le connestable. A ces mots il fut
defferré, lors se trayst a part le sire de
Laval, et dist: "Beau frere, a grant peine
et a grant tourment ay je peü tant

faire que la vie vous soit sauvee. J’ay fait
vostre fin. Il vous fault payer, avant que vous
yssiéz hors de ceans en deniers tous comp
tans cent mille frans et encores oultre
il vous fault rendre au duc trois chaste
aulx et une ville, chastel Briouth, Chastel
Jossellin
et Le Blain, et la ville de Jugon.
Autrement vous n’avéz point de delivran
ce." Dont dist le connestable: "Je vueil tenir
ce marchié." "Vous avéz droit, beau frere." Et
dist le connestable: "Qui pourra soingnier
d’aler a Cliçon et ailleurs querre la finan
ce la ou je l’envoyeray? Beau frere de Laval,
il vous y fauldra aler." Respondy le sire de La
val: "Je n’y entreray ja, ne jamays de ce
chastel ne partiray, si en sauldrés aussi.
Car je scens le duc trop cruel; se il se re
pentoit en la presence de moy par aucune
folle ymaginacion ou infourmacion que
il auroit sur vous, ce seroit tout rompu."
"Et qui y pourra aler?" dist dont le sire de
Cliçon. "Il yra," dist le sire de Laval, "le sire de
Beaumanoir qui est en prison comme
vous estes. Celluy fera toutes les pourve
ances." "C’est bon," ce respondy le connestable.
"Descendéz aval et ordonnéz ainsi que vous
sçavéz que bon est." Comment le connes
table de France fut delivré a la requeste
du sire de Laval par reançon, et comment
le connestable pour sa delivrance faire
layssa au duc trois chasteaulx et une ville
et paya cent mille frans.
A ces cops descendi le sire de Laval et
s’en vint en la chambre du duc qui
s’appareilloit pour aler couschier, car
toute la nuit il n’avoit point dormy. Le
sire de Laval l’enclina et lui dist: "Monseigneur
c’est fait, vous auréz vostre demande. Mais
il fault que vous nous faciéz delivrer le
seigneur de Beaumanoir et que beau
frere de Cliçon et luy parlent ensemble. pb 337 v