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et reclorre, et puis appella les trois com
paignons qui estoyent la venuz pour
querir l’argent. "Tenéz", dist il, "je vous de
livre XXIIIC frans. Au besoing voit on
son amy. Je les adventureray; il est bien tail
léz de les reconquerir, et autant ou plus
s’il veult." Les compaignons pristrent
l’argent et se departirent de Challuscet
et retournerent a Montferrant, et y a de
l’un a l’autre XXIIII grans lieues, mais
ilz avoyent bon saufconduit, cela les fay
soit aler, venir, passer et rapasser sauvement.
Quant Geronnet de Maudurant sceut
leur venue et que il et ses compai
gnons seroyent delivréz, si en fut gran
dement resjouyz et manda ceulx qui
depar messire Jehan Bonne Lance devoient
recepvoir l’argent, et leur dist: "Comptéz,
car veéz la tout ce que nous vous devons."
Ils compterent jusques XXIIC frans. A
prés ce ilz compterent de leurs menuz
fraiz a leur hostel et payerent bien et
largement, tant que tous s’en contemp
terent. Quant ilz orent partout payé,
Geronnet emprumpta et loua hommes
et chevaulx pour aler et eulx mener
et porter jusques a Challuscet, et Bonne
Lance fut certiffiéz de son argent. Sy
l’envoya querre, si comme je le croy, ou
il le laissa la. Aussi bien, espoir, sus la fian
ce du fort lieu lui puet il laissier que
messire Pierre de Giac, pour ce temps
chancellier de France
, y faisoit son tre
sor, lequel il perdy en celle annee tout
ou en partie; a tout le moins ce que on y
trouva, si comme je vous diray. SHF 3-244 sync Quant
Geronnet de Maudurant fut retournéz
a Challuscet, les compaignons luy firent
bonne chiere, et aprés trois ou quatre
jours que il se fut la rafreschy, Perrot

le Bernoys l’appella et luy dist: "Or,
Geronnet, la belle prommesse que
vous me signiffiastes par mes varlés
vous a fait certainement vostre deli
vrance et non autre chose, car je n’es
toye en riens tenuz envers vous, ou
cas que sans mon sceu vous estiéz a
léz a l’adventure chevauchier. Or tenéz
vostre parolle, et faittes tant que elle
soit veritable, ou autrement il y aura
mautallent et tresgrant courroux de
moy a vous. Car sachiéz, je n’ay pas
apris a perdre mais a gaingner." "Cap
pitaine", dist Geronnet, "vous avéz ray
son de cela dire, et je vous dy que se vous
vouléz, je vous mettray dedens la ville
de Montferrant
dedens XV jours, en
laquelle ville gist tresgrant pillaige,
car elle est riche de soy et bien mar
chande, et y a des riches villains grant
foyson, et aussy messire Pierre de Giac,
qui est chancellier de France et qui sciet
bien et a ou mettre la main, a dedens la
ville de Montferrant, si comme je l’ay
entendu, grant tresor. Et vous dit que
c’est la ville ou on fait le plus simple
gait et le plus povre qui soit ou royaul
me. Veéz cy la parolle que je vueil di
re et la prommesse que je vous ay pro
mis." "En nom Dieu", respondi Perrot le
Bernoys
, "c’est bien dit et je m’y encline,
car je y entendray; et vous sçavéz les
aysemens et ordonnances de la ville.
Il fauldroit il grans gens?" Respondi
Geronnet: "De trois a quatre cens comba
tans ferons nous bien nostre fait, car
ce ne sont pas gens de grant deffen
ce." "Depar Dieu", dist Perrot, "je y enten
dray et le signiffieray aux autres
cappitaines des fors ycy environ, et pb 393 r