Online Froissart
Facsimile mode    Settings    Browse  |  Collate      
pb 402 r

a son seigneur. Sy se tint le duc toute
celle sayson a Bayonne, et envoyoit et es
cripsoit a la foiz en Angleterre devers
le roy et ses freres de son estat, mais
pour chose qu’il escripsist ne signif
fiast, il n’estoit en riens confortéz de
gens d’armes ne d’archiers; et estoit,
quant a la veue presente du monde,
le duc de Lancastre et tout son affaire
mis en nonchalloir, et ne se louoit nulz
en Angleterre des seigneurs, ne souf
froit ne avançoit pour mettre gens
d’armes sus pour mettre ne aler de
vers le duc de Lancastre. Car ceulx qui
avoient esté ens ou voyaige de Portin
gal
en semoient parolles desplaysans
parmy le royaulme d’Angleterre, qui
descouragoit tous les autres. Et disoient
ces Angloys qui en Portingal et en Cas
tille
avoient esté: "Ce voyaige la ne nous
est pas bien a la main. Il nous est trop
loing. Mieulx nous vault et plus prou
fitable nous est la guerre de France,
car en France a tres souef pays et doul
ce et courtoyse contree, et air attrempé
et doulces rivieres et beaulx logeys,
mais en Castille n’a que roches qui ne
sont pas bonnes a mengier au verjus
et montaignes haultes et estranges, et
dur air et rivieres troubles, et vivres
divers, et vins fors secs et chaulx et
hors de nostre boyçon, et povres gens et
ors et traÿttres, mal vestus, mal abil
lés et tous hors de nostre ordonnance.
Et quant on entre en une grosse cité
ou ville ou en cuide merveilles trouver
et on la conqueste, on n’y treuve riens
qui vins et bacons et husches de sappins
vuides. C’est tout le contraire du roy
aulme de France
, car la dedens avons
nous trouvé, dedens les cités et es bon

nes villes, plusieurs foys quant les ad
ventures d’armes nous venoyent que nous
les conquerions, tant de biens et de riches
ces que nous en estions tous esbahiz. A
telle guerre doit on entendre, la ou prouf
fit on a, et luy hardiement adventurer, non
en ceste mescheante terre et guerre de
Castille et de Portingal ou il n’a que tou
te povreté et tout dommaige." Ainsi en
mille lieux se devisoient les Angloys
en Angleterre qui en Castille et en Gal
lice
avoyent esté, et tant que les seigneurs
qui le paÿs avoyent a gouverner et con
seiller s’en parcevoyent bien que ce voy
aige estoit tout hors de la grace et du cou
raige des Angloys; et aussi le paÿs estoit
encores en tourble et les justices nou
vellement faittes de Trivillien et des
autres, et le duc d’Irlandes partiz hors
d’Angleterre et le roy Richart remis en
l’administracion de nouvel conseil, lequel
il n’avoit pas encores bien aprins. Sy
couvenoit par ces incidences que les choses
demourassent en dur estat pour le duc
de Lancastre
qui se tenoit en la cité de Ba
yonne, et s’y tint toute celle sayson.
SHF 3-258 sync Toutes ces besoignes et ces ordonnan
ces, tant d’Angleterre que de Castil
le
comme de Portingal, et tous les differens
qui estoient advenuz en Angleterre tant
du duc d’Irlande comme des autres, esto
yent bien sceuz en France en la chambre
et ou conseil du roy. Or fut advisié du
conseil du roy et de ses oncles pour encores
plus parfaittement sçavoir la verité de
toutes ces advenuees que envoyeroit quer
re a Utret, depar le roy de France et ses on
cles, le duc d’Irlande qui la se tenoit, et lui
seroit donnéz bons saufconduit et sceur
pour venir en France et la demourer tant
comme au roy plairoit, et de retourner pb 402 v