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pb 67 rLXVII

d’ommes ne avoir pitié non plus que
des arondeaulx ou allouettes que on
prent a la sayson pour mangier." "Par
ma foy!" dist Phelippe, "je sauray bien tout
ce faire." "Et c’est bien," dist Pietres, "et vous
serés telz que je pense, souverains de
tous les autres.166" A ces mots, il prist
congié de luy et se party de son hostel
et retourna ou sien, la nuit passa, le
jour vint. Pietre du Boys s’en vint en
une place ou il avoit plus de trois mil
le hommes de ceulx de sa sexte et des
autres qui estoient assembléz pour
ouyr nouvelles et pour sçavoir com
ment on se ordonneroit et qui on fe
roit souverain cappitaine de Gand. Et
la estoit le sire de Harselle, par lequel
en partie des besoingnes et des af
faires de Gand on usoit, mais de aler
au dehors on ne s’en vouloit point en
sonnier ne traittier. La nommoit on
aucuns hommes de la villes et Pietre
du Bois
escoutoit. Quant il ot ouy
asséz parler, il esleva sa voix et dist:
"Seigneurs, je croy bien que ce que vous
dittes est par grant affeccion et de
liberacion de couraige que vous avéz
a garder l’onneur et le prouffit de la
ville de Gand, et que ceulx que vous
nomméz sont ydonynes et meritéz d’avoir
une partie du gouvernement de la
ville de Gand, mais j’en sçay un qui
point ne vise ne ne pensse que, se il s’en
vouloit enssonnier, il n’y auroit point
de plus propice ne de meilleur nom."
Dont fut Pietre du Boys requis que il
voulsist celluy nommer, il le nomma
et dist: "C’est Phelippe d’Artevelle qui fut tenuz
sus fons a Saint Pierre de Gand de la
noble royne d’Angleterre que on appelle
Phelippe
et qui fut sa marraine en ce temps

que Jaques d’Artevelle, seoyt devant Tour
nay
avecques le roy d’Angleterre, le duc
de Braibant
, le duc de Guerles et le con
te de Haynault
, lequel Jaques d’Artevel
le, son pere
gouverna la ville de Gand et le
paÿs de Flandres si tresbien que oncques
puis ne fut si bien gouvernéz ad ce que
je en ay et os encores recorder tous les
jours des anciens qui la congnoissan
ce en orent, ne ne fut oncques si bien
gardéz ne tenuz en droit que il fut de son
temps. Car Flandres estoit toute perdue un
temps quant par son grant sens et sa
voir de lui il leur recouvra. Et sachiéz
que nous devons mieulx amer les mem
bres et les branches qui viennent de
sy vaillant homme qu’il fut que de nul
autre." Si tost que Pietre du Boys ot
ditte ceste parolle, Phelippe d’Artevelle en
tra si ou couraige de toutes manieres
de gens que on dist tout d’une voix: "On
le voyse, on le voyse querre! Nous ne
voulons autre.""Nennil," dist Pietre du
Boys
, "nous ne l’envoyerons point quer
re. Il vaulst mieulx que on voyse vers lui,
encores ne sçavons nous comment
il se vouldra maintenir ne de nous soy
ensonnier.167" SHF 2-208 sync Des ordonnances de Gand,
et comment la guerre rencommença
entre le roy de Portingal et le roy d’Espai
gne
, et du sejour des Angloys.
A ces mots se mistrent tous ceulx
qui la estoient et encores plus
asséz qui les suivoient au chemin et vin
drent vers la mayson Phelippe, qui de leur ve
nue estoit tout advisiéz. Le sire de Harselle,
Pietre du Boys, Pietre le Mittre et environ
dix ou douze des doyens des mestiers, et la
luy requistrent et remonstrerent comment
la bonne ville de Gand estoit en grant dan
gier d’avoir un cappitaine et souverain pb 67 v