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leverent comme les plus nottables de la com
paignie Gisebrest Gente et Symon de Bete, et
parla l’un d’eulx et dist: "Seigneurs de Gand,
nous avons esté au parlement de Harle
becque
et avons eu moult de peines et de
traval, et aussy ont eu les bonnes gens de
Braibant, du Liege et de Haynault, de nous
accorder enver monseigneur. Finable
ment a la priere de monseigneur et de
madame de Braibant, qui la envoyerent
leur conseil, et de monseigneur le duc Au
bert, quy y envoya le sien, la bonne ville
de Gand
est venue a paix et a accordé envers
nostre seigneur le conte parmy un moyen
que deux cens hommes, lesquelz il nous
envoyera dedens XV jours par escript,
yront en sa prison dedens le chastel de Lis
le
, et sy nous mettrons en sa pure voulen
té. Il est bien si franc et sy noble que d’eulx
aura il mercy et pitié." A ces parolles
se traïst avant Pietre du Boys et dist: "Gise
brest
, comment estes vous sy oséz d’avoir
accordé ce traittié de mettre deux cens
hommes en la voulenté de nostre annemy?
A tresgrant vittuperacion venroit en la
ville de Gand, et mieulx vauldroit qu’elle
feust reversee ce dessoubz dessus que ja a
ceulx de Gand feust reprouchié qu’ilz eus
sent guerroyé par telle maniere ! Bien
sçavons entre nous qui avons ce ouy
que vous ne serés pas l’un de ces deux cens,
ne aussi ne sera pas Symon Bete. Vous avéz
prins et choysy pour vous, mais nous
prendrons et taillerons pour nous. Avant,
Phelippe, a telz traitteurs qui veullent deshon
nourer et trahir la bonne ville de Gand
que ceulx cy!" Tout en parlant, Pietre du
Boys
trayst sa dague et vint a Gisebrest
Gente
et le fery ou ventre tellement que
il le reversa tout mort la, et Phelippe d’Arte
velle
la sienne et fery Symon Bette et l’occist,

et puis commancierent a crier: "Trahy !"
Ilz avoyent leurs gens deléz eulx
hault et bas, tous eureux com riches
hommes et enlignaigés qu’ilz fussent
en la ville quant ilz peurent dissimu
ler adonc, et eulx bouter hors et sauver.
Et aussi pour l’eure il n’y en ot que
deux mors, mais pour le puepple
appaisier et pour eulx tourner en
droit, ilz envoyerent criant et disant:
"Les faulx et mauvais trayttres Gy
sebrest Gente
et sire Symon Bette ont
voulu trahir la ville de Gand." Ainsi
se passa ceste chose, les mors furent
mors, ne on n’en ot, ne nul n’en leva
autre remedde. Et quant le conte
de Flandres, qui se tenoit a Bruges,
sceut ces nouvelles, si fut durement
courroucié et dist adonc: "A la priere
de mes cousins de Braibant et de Hay
nault je m’estoie legierement accordé
a la paix a ceulx de Gand, et celle foiz
et autre ont ilz ainsi ouvré, mais je
vueil bien qu’ilz saichent que jamaiz
n’auront paix a moy sy auray
des leurs tant a ma voulenté qu’il
bien me devra souffire."
Ainsi furent mors et murdris
en la ville de Gand ces deux
vaillans hommes riches et saiges,
et pour bien faire a l’entencion de plu
sieurs gens dont chascun des deux de leur
patrimoine tenoient bien deux mil
le frans de revenue heritablement
par an. Si furent plains en requoy,
car nul n’en eust osé parler s’il ne
voulsist estre mort. La chose demoura
en tel estat, et la guerre plus forte que
devant, car ceulx des garnisons au
tour de Gand estoient nuit et jour soin
gneusement sus les champs, ne nulpb 85 r