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n’aloient que le pas, et misrent trois jours a venir de la Couloigne jusque a la ville de Saint Jaques. ¶ Vous devés savoir que le paiis de Gallice pour la venue du duc de Lancastre estoit moult effrayé; car ils ressoingnoient grandement sa puissance. Le mareschal de l’ost, qui estoit en l’avantgarde, s’en vint jusques a la ville que l’on appelle Compostelle ou paiis, ou le corps monseigneur saint Jacques l’Apostre, que l’on requiert de si loing, gist et est. ¶ Quant il fut venu jusques a la ville, il la trouva fermee, ce fut raison, mais il n’y avoit quelque garnison fors les hommes de la ville; car nul chevalier de France ne la vouloit prendre en son peril pour la tenir, ne garder honnourablement jusques a oultrance, car elle n’est pas trop forte, a bien parler, contre tels gens que le duc de Lancastre avoit mis hors du roiaulme d’Angleterre ou paiis de Castille et de Gallice. Le mareschal envoia devant ung herault pour savoir que ceulx de Saint Jaques diroient. Le herault vint aux barrieres et trouva le capitaine de la ville, qui s’appelloit Alphons de Serie. Il luy dist: "Capitaine, or entendés cy ung petit. Assés pres de cy est le mareschal de l’ost monseigneur de Lancastre, qui m’envoie

jusques a cy et parleroit moult voulentiers a vous." Le capitaine dist: "Il me plaist bien. Faittes le venir avant; nous parlerons a luy voulentiers." Le herault s’en retourna et dist au mareschal ces nouvelles. Le mareschal se departy atout vingt lances tant seulement de sa route, et s’en vint devant la ville de Compostelle et trouva aux barrieres le dit capitaine et aucuns hommes de la ville qui la s’arresterent. Le mareschal mist piet a terre, luy IIIe tant seulement, et furent luy, le sire de Basset et messire Guillemme de Ferniton. Adont il dist: "Capitaine et vous gens de ceste ville, monseigneur de Lancastre et madame de Lancastre, vostre dame, qui fut fille du roy dam Pietre, vostre naturel seigneur, m’envoient icy parler a vous pour savoir que vous vouldrés dire et faire, se bellement vous les recueilliés, ainsi que bonnes gens doivent recueillier leur seigneur et dame, ou se vous vouldrés vous faire assaillir et prendre de force vostre ville. Sachiés que, se vous estes prins de force, que vous serés la dedens tous mis a l’espee, pourquoy les autres y prendront tous exemple." Adont respondi le cappitaine: pb 123 v