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et chargiees leurs nefs de grant foison de bons vins de Poithou et de la environ, et ils veirent qu’ils orent bon vent, ils desancrerent du port et havre de la Rochelle, et se misrent au chemin par mer pour retourner en Flandres et a l’Escluse, dont ils estoient partis; et tant singlerent que ils passerent les rays Saint Mahieu en Bretaigne sans peril et sans dommaige, et costoierent la Basse Bretaigne et puis Normendie, et d’autre part Angleterre droitement sur l’embouchure de la Tamise ou ces nefs angloises estoient. Les nefs de Flandres les appercheurent de loings comment elles gesoient a l’ancre. La dirent ceulx qui estoient en hault es hunes: "Seigneurs, advisés vous. Nous serons rencontrés de l’armee d’Angleterre. Ils nous ont apperceu; ils prendront tantost l’avantaige du vent et de la maree. Si aurons bataille avant qu’il soit nuit." Ces nouvelles ne pleurent pas a aucuns et par especial aux marchans de Flandres, de Haynnau et des autres paiis qui la avoient leurs marchandises, et voulsissent bien estre encoires a mouvoir, se il se peust faire. Touteffois, puisque combatre les convenoit et que autrement ils ne pouoient passer, ils se ordonnerent selon ce, et estoient que arbalestriers, que autres gens,

tous aux armes et deffensables plus de sept cens, et avoient la ung vaillant chevallier de Flandres a capitaine, lequel estoit admiral de la mer depar monseigneur de Bourgoigne, et l’appelloit on messire Jehan Bucq, preu, sage, entreprendant et hardy et qui avoit porté moult de grans dommaiges sur la mer aux Anglois. Ce messire Jehan Bucq les mist tous en ordonnance et arma les nefs bien et sagement ainsi que bien le sceut faire, et leur dist: "Beaus seigneurs, ne vous esbahissiés de riens; nous sommes assés gens pour combatre l’armee d’Angleterre, et si avons le vent pour nous, et tousjours en combatant nous approcherons l’Escluse. Nous costoions Flandres, nous les attraperons bien." Les aucuns se confortoient sur ces paroles, et les autres non; mais ils se misrent en deffense et en bonne ordonnance, et se appareillierent arbalestriers pour traire, et autres pour jetter canons. Or approchierent les nafvies; et avoient les Anglois aucunes nefs et autres gallees, lesquelles ils avoient armees d’archiers, et s’en vindrent tout premierement les gallees fendant la mer a force de rymes, et furent les premiers assaillans. Si commencierent les archiers a traire de grant randon pb 172 r