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bon appointement chargiés de la ville ils aloient parler au duc. Adont dist le mareschal a messire Jehan Soustree qui chevauchoit delés luy: "Menés ces hommes devers monseigneur. Ils ont bien mestier d’estre conduits; car nos archiers les pourroient de legier occir." Le chevallier respondi: "Voulentiers." A ces paroles dist le mareschal: "Alés! Alés! Ce chevallier vous menera au duc." Lors se departirent ils, et chevauchierent tous ensemble et trouverent le duc et la duchesse et leur fille, messire Jehan de Hollandes, messire Thomas de Persy et plusieurs autres qui estoient arrestés dessoubs moult beaulx oliviers; et regarderent sur Soustree quant ils le perceurents venir. Si luy demanda messire Jehan de Hollandes en disant: "Beau frere Soustree, ces prisonniers sont ils a toy?" "Sire," respondy le chevallier, "ils ne sont pas prisonniers. Ce sont hommes de Besances que le mareschal m’a bailliés en conduit pour venir parler a monseigneur. Car selon ce que il m’est advis, ils veulent traittier." Le duc de Lancastre ouy et entendi toutes ces paroles, et aussi fist la duchesse; car il et elle estoient presens. Adont leur dist Soustree: "Avanciés vous, bonnes

gens, car veés la vostre seigneur et vostre dame." Lors s’avancerent iceulx hommes et se misrent tous a genouls, et parla l’un ainsi et dist: "Mon tres chier et redoubté seigneur, la communaulté de la ville de Besances nous envoient icy. Ils ont entendu que vous venés ou envoiés sur euls a main armee pour en avoir la seignourie. Si vous prient de grace especiale que vous vous veulliés souffrir et cesser neuf jours tant seulement de non faire assaillir, et ils envoieront devers le roy de Castille qui se tient ou Val d’Olif et luy remonstreront le dangier ou ils sont, et, se en dedens les neuf jours ils ne sont secourus de gens fors assés pour vous combatre, ils se mettront du tout en vostre obeissance, et, se vous n’avés assés vivres et pourveances, ceulx de la ville vous offrent pour vos deniers a en prendre a vostre voulenté pour vous et pour vos gens." ¶ A ces paroles ne parla point le duc, mais laissa respondre la duchesse, qui tres bien avoit entendu leur langaige, car elle estoit du paiis. Si regarda vers le duc et dist: "Monseigneur, qu’en dittes vous?" "Et vous, dame, que vous en semble? vous estes heritiere, l’eritage me vient de vous. Si en devés respondre." "Monseigneur, pb 181 r