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m’avés compté des adventures de Fois et d’Armeignach, comment le conte de Fois s’est sceu, ne peult dissimuler contre le duc de Berry qui eut a femme la fille de la suer au conte d’Armeignach, et se le duc de Berry luy en a point fait de guerre, et comment il s’en est porté." "Comment?" respondi le chevallier, "je le vous diray. Ou temps passé, le duc de Berry luy a voulu tout le mal du monde, et ne desiroit le duc de Berry seigneur de toute la crestienté mettre a obeïssance et a raison, fors le conte de Fois; mais maintenant, parmy ung moien dont vous orrés bien parler, quant vous serés venu a Orthais, ils sont assés bien d’accord." "Eh! monseigneur," dis je, "y avoit il cause que le duc l’eust en hayne?" "Se m’ait Dieu, il n’en y avoit point," respondi le chevallier, "et je vous en compteray la cause. Quant le roy Charles de France, pere a ce roy Charles, fut de ce siecle trespassé, le roiaulme de France fut divisé en deux parties quant au gouvernement, car monseigneur d’Angou, qui tendoit a aler oultre en Ytalie, ainsi qu’il fist, s’en deporta, et y mist ses freres le duc de Berry et le duc de Bourgoingne. Le duc de Berry eut le gouvernement de Languedoch, et le duc de Bourgoingne la France deça Saine et toute Piccardie.

Quant ceulx de Languedoch entendirent que monseigneur de Berry les gouverneroit, si furent tous esbahis, especialement ceulx de Thoulouse et de la seneschaussee, car ils sentoieant le duc fol large, et prendroit or et argent a tous lés pourquoy il traveilleroit trop fort le peuple. Et encoires y avoit Bretons en Thoulousain, en Carcassonnois et en Rouergue, que le duc d’Angou y avoit laissiés, qui pilloient tout le paiis, et couroit renommee que le duc de Berry les y soustenoit pour maistrier les bonnes villes, et n’estoit pas le duc ou paiis de Languedoch, pour le temps que je vous parle, mais estoit en la guerre de Flandres aveucques le roy. ¶ Ceulx de Thoulouse qui sont moult puissans, et qui sentoient le roy leur sire jeune et occupé grandement et a grans costenges pour les affaires de son oncle le duc de Bourgoingne es parties de Flandres, et se veoient pilliés et traveilliés de Bretons et de pillars, tant qu’ils ne sçavoient qu’ils peussent, ne deussent faire, adont envoierent et traittierent pardevers le conte de Fois, en luy priant, parmy une somme de flourins, que tous les mois ils luy delivreroient, que il voulsist prendre la charge, le gouvernement et la garde de leur cité de Thoulouse et de tout le paiis pb 27 v