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Cy commence la tierce partie principale de
croniques sire Jehan Froissart qui contient les nouvelles guerres de France, d’Angleterre, d’Espaigne et d’Ytalie.
SHF 3-1 sync
Et parle premierement comment sire Jehan
Froissart se partit de France pour aler pardevers le conte de Foix et la maniere de son voyage. Chapitre I.
Je me suis longuement tenu a parler des besoignes des
loingtaines
marches, mais les prochaines quant a present m’ont esté si fresches et si nou
velles et si enclinés a ma plaisance, que pour ce les ay mises arriere. Mais
pour tant ne
sejournoient pas les vaillans hommes qui se desiroient a avan
cer ou
royaume de
Castille et de Portugal et aussi bien en
Gascoigne, en
Rouergue, en Quersin, en
Limosin et en
Bigoire, ains visoient et subtilloi
ent tous les jours les uns sur les autres
comme ils se peussent trouver
en parti de fait d’armes, prendre, embler villes, chasteaulx
et fortresses. Et
pour ce je
sire Jehan Froissart, qui me suis ensonnié de dicter et croniquer ceste hystoire
a la requeste, contemplacion et
plaisance de
hault prince et renommé messire Guy de Castel
lon, conte de Bloys,
seigneur d’Avesnes, de Beauvois, Estonnehonne et de la Geude, mon bon
et souverain
maistre et seigneur, consideray en moy mesmes que pas n’estoit taillé
en long temps
que grans fais d’armes advenissent es marches de
Picardie et du
paÿs
de Flandres, puis que paix y avoit, et grandemens me ennuiois a estre oiseux,
Car bien
sçay bien que ou temps a venir quant je seray mort et pourry ceste noble et
haulte ystoire
sera en grant cours, et y prendront tous nobles et vaillans gens plai
sance et augmentacion
de bien. Et encores que je avoie dieu mercy sens et me
moire et bonne souvenance de toutes
les choses passees engin cler et aigu pour con
cevoir tous les fais dont je pourroie estre
informé touchans a ma principale
matiere : aage, corps et membres pour souffrir paine ma
advisay que je ne vou
loie pas sejourner de non poursuir ma matiere. Et pour savoir la verité des
loingtaines besoignes sais que je y envoiasse autre
personne en lieu de moy pris
voye raisonnable et occasion d’aler et devers
hault prince et redoubté maistre, Gaston,
conte de Foix et de Bearne. Et bien savoie
que se je pouoie avoir la grace de venir
en son hostel a la estre a loisir, je ne pourroie
mieulx ou monde escheoir pour
estre informé justement de toutes nouvelles,
car la sont et retournent moult vou
lentiers tous chevaliers et escuiers estranges pour la
haulte noblesse de lui
et tot ainsi comme je ymaiginay, il m’en advint. Et lors
je remonstray ce et le
voyage que je vouloie faire a
mon tres redoubté seigneur le conte
de Blois, lequel
me bailla ses lettres de familiarité adreçans au conte de Foix
et tant chevauchay
en querant de tous costéz nouvelles, que par la grace de Dieu, sans peril
et sans
dommaige, je vins en
son hostel a Ortais, ou païs de Bierne, le jour
sainte Katerine
l’an de Grace mil CCC IIII
XX et huit. Le quel conte de Foix, si tost comme il me vit, me fist
bonne
chiere et me dist en riant, en bon françois, que bien il me congnoissoit et si
ne
m’avoit onques mais veü, mais plusieurs fois avoit oÿ parler de moy. Si me
retint en son
hostel et tout aisé avec le bon moien des lectres que je lui avoie portees,
tant
comme il m’y pleut a estre et fus la informé de la greigneur partie des beson
gnes qui estoient avenues ou
royaume de Castille, ou de Portugal,
de Navarre, d’Ar
ragon et ou
royaume d’Angleterre, ou
paÿs
de Bourbonnois et en toute la Gascongne.
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