pb 39 von qui es si bon messagier?" "On m’appelle
Orthon." "
Orthon,"
dist le chevalier, "le
service d’un clerc ne te vault riens. Il te donra et fera trop
de peine se tu le
veulx croire. Je te prie, laisse le en paix et me sers. Je t’en sçauray mout
bon
gré." Orthon fut tantost conseillé du respondre, car il s’enamoura du
chevalier et dist: "Le vouléz vous?" "Ouil," dist le chevalier, "mais que tu ne faces mal
a personne de ceans." "Nennil", dist
Orton, "je n’ay puissance nulle de te faire autre
mal que de te resveiller et
destourber de dormir toy, ou autrui." "Fais ce que je te dys,"
dist le chevalier, "nous serons bien d’accord, et si laisse ce clerc meschant car il n’y a
riens de bien en lui fors que peine pour toy, et si me sers!" "Et puisque tu le veulx,
" dist
Horton, "et je le vueil." Lors s’enamoura
tellement cellui
Horton du seigneur
de Courasse qu’il le venoit
veoir bien souvent de nuit, et quant il le trouvoit
dormant il lui hochoit son oreiller ou il
frapoit grans cops a l’uis et aux fenes
tres de sa chambre. Et le chevalier, quant
il estoit esveilliéz, lui disoit: "
Horton,
laisse moy dormir!" "Non feray," disoit
Horton, "si t’auray dit des nouvelles." La
avoit la
femme du chevalier si grant paour que tous les cheveulx lui herissoient,
et
se mussoit en sa couverture. La lui demandoit le chevalier: "Et quelz nouvelles
m’aportes tu, ne de quel paÿs viens tu?" disoit
Horton: "Je viens d’
Angleterre" ou
"de
Hongrye"
ou d’un autre lieu, et disoit: "Je m’en partis hier, et telles choses et telles
y sont
advenues." Si savoit ainsi le seigneur de Corasse par
Horton tout
ce qui ad
venoit par le monde, et maintint celle erreur cinq ans, et ne s’en
peut taire, mais
s’en descouvrit au conte de Foix, voire, par une maniere que je
vous diray. Le
premier an le sire de Corasse vint
devers le conte de Foix a
Ortais ou ailleurs
en lui
disant en lui disant: "Monseigneur, telle chose est advenue en
Angleterre" ou "en
Escosse" ou "
Alemaigne" en autres paÿs, ... Et
le conte de Foix, qui depuis trou
voit tout ce veritable, avoit grant merveille dont
telle chose lui venoit ne comment
il le pouoit savoir, et une foiz tant le pressa et enquist que
le sire de Corasse
lui dist comment et par qui telz nouvelles lui venoient et par
quelle maniere
tot ce lui estoit advenu. Quant le conte de Foix en sceut la verité,
il en eut
grant joye, et lui dist: "Sire de Corasse, tenéz le en amour. Je
vouldroie bien avoir
ung tel messager; il ne vous couste riens, et si savéz veritablement tout
ce
qui advient par le monde." Le chevalier respondit: "Monseigneur, si feray je."
SHF 3-47 sync Ainsi
estoit le seigneur de Corasse servy de
Horthon, par long temps. Je ne sçay pas se cellui
Horthon avoit plus d’un maistre, mais toutes les sepmaines deux ou trois foiz il
venoit visiter le seigneur de Corasse,
et lui disoit les nouvelles qui estoient adve
nues es paÿs ou il avoit conversé et
le seigneur de Corasse en escripvoit au con
te de Foix, qui en avoit moult
grant joye, car c’estoit le sire de ce monde qui plus
voulentiers oioit nouvelles d’estranges
paÿs. ¶ Une foiz estoit le seigneur de Co
rasse avecques le conte de Foix, et gengloient entr’eulx deux ensemble de
Horthon,
et
au propos de la a matiere le conte de Foix lui demanda: "Sire de
Corasse, avéz vous
point veü encores vostre messager?" "Par ma
foy, monseigneur, nennil, ne point
ne l’en pressé." "c’est grant merveille!" dist le conte " Et s’il me feust autant familler
qu’il est a vous, je lui
eusse prié qu’il se feust demonstré a moy, et vous prie que
vous en mectéz en peine, si me
sauréz a dire de quelle forme il est, ne de quelle
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