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recommandant les chevalliers
a lui ainsi que bien le sceut faire,
le duc print les lettres, les ouvry
et lisy, et quant il eut bien enten
du et conceu de quoy elles parloi
ent, il fut moult grandement
resjouys et commanda a son mai
stre d’ostel que on pensast bien de
lui et il fut fait. Le duc
de Berry
, assés tost aprés ce que
l’escuier fut venus et qu’il eut
receu les lettres, appella son con
seil et ses tresoriers ceulx qui pour
ce tamps il avoit deléz lui et leur
dist: "Vecy grandes nouvelles! Nos
chevaliers qui tiennent nos basti
des devant Montadour nous ont
escript qu’ilz sont en certain trait
tie devers Alain Roux et Pierre Roux,
lesquelz vuellent rendre le fort de
Montadour
pour la somme de
dix mille frans, ce n’est pas grant
chose. Il couste et a cousté au païs
d’Auvergne et de Lymosin
a eulx
tenir en guerre tous les ans XM
frans, nous voulons accepter ce
marchié et nous en delivrons
du prendre adfin que point ne
se repentent. Or sus, tresoriers,
trouvés la somme de dix mille
frans, nous les presterons c’est
raison, et quant nous serons en
possession du dit chastel, nous fe
rons en Lymosin et sur les terres
et frontieres ou ilz ont tenu leurs
pactis une taille: ilz renderont

l’argent au double." "Monseigneur,"
respondirent les tresoriers, "nous
sommes tous prests mais que
vous nous donnés V ou VI jours."
"Vous l’aurés," dist le duc. Sur cel
estat la chose fut arrestee et con
clute, les tresoriers se pourveirent
appareillerent tout l’argent en
couronnes d’or et en frans de Fran
ce
. Et fut mise la finance en IIII
petis sommiers. Ce propre jour
que ceulx qui comms estoient
pour porter aux chevalliers dessus
nommés la finance, devoient
partir, et ja estoit tout ordonné
pour mouvoir, vindrent a Rion
devers le duc de Berry le dauffin
d’Auvergne
et le seigneur de Re
vel pour besoingnier d’aucunes
choses, ainsi comme on a a faire
aucuneffois devers les seigneurs.
Ilz furent les bien venus du duc
et il qui estoit tout resjoys de ce
qu’il pouoit, ce lui sambloit, pour
raisonnable marchié ravoir le
chastel de Montadour, ne s’en vout
pas taire aux seigneurs dessus
nommés, et leur monstra les
lectres de messire Guillaume le
Boutillier
et de messire Jehan Bonne
Lance
. Quant ilz l’eurent
oy, ilz penserent sus ung petit,
et le duc, qui les veoit penser, leur
demanda: "Que pensés vous? Y veés
vous point de souspechon? Dittes
le moy avant que l’argent voist pb 38 v