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Et aussi du duc de Bretaigne quy
avoit rompu et brisyé sy grant fait comme
le voyage de mer et prins trahiteuse
ment chelluy qui en debvoit estre
chief, ch’est assavoir le connestable de
Franche, et le ranchonne sy grandement.
Quy estoit grandement au prejudice
du roy car on n’y pouoit veoir nul
title de raison. Le roy se depportoit
de touttes ches choses car il estoit jeu
ne. Sy ne les pesoit pas sy grandement
comme s’il eust XL ou L ans d’ea
ge. Et disoyent les aulcuns anchyens
quy ramentevoyent le temps passé:
"Pour tel fait ou pour le samblabe
a eu le royaulme de Franche moult
a souffrir. Car le roy de Navare
fist ochire messire Charle d’Espaigne,
pour che temps connestable de France,
pour laquelle cause le roy Jehan ne
peut oncques amer le roy de Navare
et luy tolly a son pouoir toutte sa terre
qu’il avoit en Normendye." "Penséz vous",
disoyent les aultres, "que se le roy Char
les vivoit, qui tant amoit le connesta
ble, qu’il ne lui deuist pas bien ay
dier
? Par Dieu, sy feroit. Il feroit guer
re au duc de Bretaigne et luy tolroit
sa terre, combien qu’il lui deust cous
ter." Ainsy et en pluseurs manieres
en parloit on ou royaulme de France.
Car touttes gens quy en parloyent
disoyent que le duc de Bretaigne
avoit mal fait et tres mal ouvret.
Or fut advisé des oncles du roy
et du conseil pour adoulchir
les choses et le peuple qui trop mal
se comptemptoit du duc de Bretai
gne et pour parler des besongnes
et mettre et reformer en droit que
ung prelat et III barons saigges et
vaillans hommes seroyent envoiéz
vers le duc de Bretaigne pour par
ler a luy et pour ouïr ses raisons et
luy faire venir a Paris ou ailleurs,
la ou le roy vouldroit luy escuser
de che qu’il avoit fait. Sy fut esleu
premierement l’evesque de Byauvais,
messire Mille de Dormans, ung sage
et vaillant preudhomme et bel langa
gier, avecq luy messire Jehan de Vyane,
messire Jean de Bueil et le sire de
La Riviere. Cheux furent chargiéz quelle

chose ilz debvoyent dire et faire. Et
par especyal pour luy mieux infour
mer de la matiere et de touttes les
besongnes. L’evesque de Biauvais s’en
vint a Mont le Henry, ou le connestable
se tenoit car la ville et le chastel estoit
a luy et touttes les appendanches, et les
luy donna le roy Charles a luy et a ses
hoirs. L’evesque de Biauvais la estant,
une maladye luy prist, dont il s’alita
et fut XV jours en fievres et en ma
ladye et puis moru. Sy eut le preu
dhomme grant plainte. Ou lieu del eves
que de Byauvaix y fut renvoyéz l’evesque
de Lengres. Chelluy se mist ou chemin
de Bretaigne avecq les dessusdis.
On me poroit demander dont telles
choses me viennent a sçavoir, pour
tant que j’en parle sy proprement et sy
vivement. Je vous respons que en mon
temps je mis grand cure et grande
deligence pour ches choses apprendre
et sçavoir. Car Dieu me donna la
grace et le loisir de veoir en mon
temps la grigneur partye et de a
voir la congnoissanche des seigneurs,
tant en Franche et en Angleterre comme
ailleurs. Car sachiéz que en l’an de
Grace mille IIIC IIIIXX et X je y avoye
labouré XXXVII ans. Car de ma
jonesse je fus V ans del ostel du roy
et de la royne d’Angleterre. Et sy
fus moult bien del hostel du roy Jehan
de France sy peus bien en che terme
apprendre et conchepvoir moult de choses.
Sy vous diray comment et par quy je
fus adoncques infourmé du connes
table de Franche et de che quy en des
chendy. SHF 3-178 sync ¶ En che temps Gap: sampling pb 124 r