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Comment ung maling esperit nommé
Orthon servi pour ung temps le sire de Corasse et lui apportoit
nouvellles de partout le monde. XIIIIe chapitre.
Grant merveille est a penser et con
siderer d’une chose que je vous
diray, laquelle chose me fut
ditte en l’ostel du conte de Foix et de cellui
mesmes qui me infourma de la
beson
gne de Juberoth et de tout che qui estoit
advenu en che voyage. Et je vous di
ray de quoy che fut, car moult y’ay pensé de
foix
et y penseray tant comme je viveray.
¶ Verité est, si comme le me compta le
dit escuier, que l’endemain que la
besongne fut
advenue a
Juberoth, si dessus vous ay
compté, le conte de Foix le sceut, dont
il eut grant merveille comment che pouoit
estre. Car
le dimenche tout le jour, le
lundi et le mardi ensievant il fist sy
matte chiere qu’on ne pouoit traire pa
rolle de lui. Et ne veult
oncques ches
III jours issir de sa chambre, ne parler a
chevallier ne
escuier, tant prochain lui fust,
s’il ne le mandoit. Et encore advint il
qu’il manda bien
tel a qui il ne parla
oncques les III jours. Et quand che
vint le
mardi au soir il appella son fre
re, messire Ernault Guillemme, et lui dist
tout bas: "Noz gens ont eu affaire dont
je suis courouciéz. Car il leur est prins
du voyage aucques ainsi que je leur dis
au departir." Messire Ernauld Guillamme,
qui estoit un tres saige et advisé chevallier
et qui bien congnoissoit la maniere
et
condition de son frere, se teut ung pe
tit, et le conte, qui desiroit
a esclarcir
son courage, car trop longhement avoit
porté son anuy, reprist encore sa
parolle
et parla plus hault qu’il n’avoit fait
la premiere foix, et dist: "Par Dieu, Er
nault, il est ainsy comme je vous dis et hasti
vement
nous en ourons nouvelles.
Mais depuis cent ans le
paÿs de Bi herne ne perdy tant pour ung jour
comme il a perdu pour ceste foix
en
Portingal."
¶ Pluseurs chevalliers et escui
ers qui estoient la presens, qui oÿrent
et
entendirent le conte, noterent
et gloserent ches parolles. Et de
dens X jours aprés on en sceut la
verité par ceulx qui a la bataille
avoient
esté. Et raconterent pre
mierement au conte et aprés en
sievant a tous ceulx
qui oÿr le vou
loyent, touttes les choses en la four
me et maniere comme a
Juberoth elles
avoyent esté. Lors renouvella le
dueil du conte et de
ceulx du paÿs
lesquelz y avoient perdu leurs fre
res, leurs peres, leurs
seigneurs
et leurs amis. "
Sainte Marye!" dis
je a
l’escuier qui me contoit son comp
te, "et comment le peut le conte de
Foix si tost sçavoir comme du jour a
l’endemain?" "Par ma foy," dist l’es
cuiers, "il le sceut bien comme il appa
rut." "Dont est il devin,"
dis je, "ou il a
les messagiers qui chevaulchent avecq
le vent. Aulcun ard fault il
qu’il y ait!"
L’escuier commencha a rire et dist:
"Voirement fault il qu’il le
sache par
aulcune voye
d’ingromancye. Au
voir dire point ne sçavons en che
paÿs comment il en use fors par yma
ginacion." "Et beau doulx sire,"
dis je,
"l’ymaginacion que vous y penséz,
voeilliéz le moy dire et je vous en
sçaray bon gré. Et se c’est chose qui
appartiengne celler, je le celleray
bien, ne jamais,
tant comme je soye
en che paÿs, je n’en ovreray ma bouche."
"Je
vous en prie," dist l’escuier, "car
je ne voldroie", dist l’escuier, "qu’on
sceust que je l’eusse dit. Si en parlent
bien les aulcuns en couvert quant ilz
sont
entre leurs amis." Adont me trayst
il en un anglet de la chapelle du
chastel
d’Orthais et puis commencha a
faire son compte et dist
: "Amy",
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"
Yl puet avoir environ XX ans
qu’en che paÿs regnoit ung
baron qui s’appelloit de son nom
Ray
mon, seigneur de Corasse.
Corasse,
que vous l’entendéz, est
ung chastel
et une belle ville a VII lieues de
ceste
ville d’Orthais. Le sire de Corasse,
pour le temps que je vous di, avoit
ung prochés
en
Avignon devant le pappe pour les dismes
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