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bien la finance de LXM escus sans ses chevaux
dont il avoit bien en son estable XX ou
XXX bons coursiers et doubles roncins.
Et avec ce il avoit le nom d’estre le plus
appert homme d’armes qui feust ou paÿs.
Et fu esleu pour estre a la Bataille de XXX
et fu tout le meilleur combatant de son
costé de la partie des Englois, ou il acquist
grant grace. Et lui fu promiz du roy de
France
que s’il vouloit devenir François,
le roy le feroit chevalier et le marieroit
bien et richement et lui donroit IIM livres
de revenue par an, mais il ne s’i voult
accorder. Et si comme il chevauçoit une
fois un joenne coursier fort en bride qu’il
avoit acheté IIIC escus et l’esporonnoit
au courir. Si l’eschaufa telement que le
coursier, oultre sa voulenté, l’emporta si
que au saillir un fosséle coursier trebucha
et rompi son maistre le col. SHF 1-317 sync Comment le
cappitaine de Calais promist rendre le
chastel de Calais aux François.
En ce temps se tenoit en la ville de
Saint Omer
ce vaillant chevalier
monseigneur Gieufroy de Chargny
. Et l’avoit la
le roy de France envoié pour garder les
frontieres. Si y estoit et usoit de toutes
choses touchans aux armes, comme roy.
Moult ymaginoit comment il peust ravoir
la ville de Calais, si considera que Lombars
sont convoiteux et envoia secretement
devers messire Aimery de Pavie, qui estoit
Lombart et cappitaine de Calais. Car pour
ce temps treves estoient. Si pouoient
ceulx de Saint Omer bien aler a Calais et
ceulx de Calais a Saint Omer. Et y aloient
les gens de l’un a l’autre pour faire leurs
marchandises. Tant fist messire Gieufroy
traittier parler et l’affaire demener couver
tement que cil Aimery s’enclina a livrer
le chastel et la ville de Calais parmi XXM
qu’il devoit avoir. Mais il fu sceu du roy
d’Engleterre
, qui tantost manda Aimery le
Lombart
. Lequel ala a lui a Londres a
Westmoustier, car il cuidoit que le roy
d’Engleterre
ne l’eust point sceu pour ce que la
traison avoit esté pourparlee celeement.
Le roy le trait d’une part, si lui dist :

"Aimery, bien avant tu scéz que je t’ay
donné en garde la rien ou monde qui
plus aime aprés ma femme et mes
enfans, le chastel et la ville de Calais
et tu l’as vendu aux François et me
veulx trahir si as bien deservi mort."
Aimery se getta a genoulx disant :
"Haa, gentil sire, pour Dieu mercy. Il est
bien voir ce que vous dictes mais encore
puet on bien le marchié desrompre
car je n’en receuz onques denier." Le roy
avoit moult amé ce Lombart car il
l’avoit nourry d’enfance, si lui dist :
"Aimery, se tu veulz faire ce que je te
diray, je te pardonray mon mautalent."
Et cil dist: "Je feray quoy qu’il deust
couster tout ce que vous me commanderéz."
"Je vueil", dist le roy, "que tu poursuives
ton marchee. Et je seray si fort en la
ville de Calais a la journee que les
François ne l’aront mie ainsi qu’ilz cuident.
Et pour toy aidier a excuser, se Dieux
me vueille aidier, j’en sçay pieur gre a
messire Gieufroy de Chargny que a toy
qui en bonnes treves a ce pourchacié."
Sur cel estat retourna Aimery de
Pavie
en Calais et ne fist nul semblant
a ses compaignons de chose qu’il eust
empensé a faire. Messire Gieufroy de
Chargny
, qui se tenoit pour tout asseuré
d’avoir le chastel de Calais, si se pourvei
d’avoir l’argent et descouvri a aucuns
chevaliers de Picardie cest affaire, lesquelx
furent tous de son accort, car la presse
de Calais leur touchoit trop malement,
et a telx comme au seigneur de Fiennes, a
monseigneur Eustace de Ribeumont, a monseigneur Jehan
de Landas
, au seigneur de Kireki, a monseigneur
Pepin de Were
, a monseigneur Henry du Boys
et a plusieurs autres. Et avoit sa chose
si bien appareilliee qu’il devoit avoir VC
lances, mais la greigneur partie de
ses gens d’armes ne savoient ou il les
vouloit mener fors tant seulement aucuns
grans barons et bons chevaliers ausquelx
il touchoit bien du savoir. Si fu la
chose ainsi arrestee que la nuit de l’An
le dit Aimery devoit delivrer le chastel pb 117 r