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prenoit sur le tresor a Paris comme
pour autre terre que le roy de France lui
devoit asseoir par certains traittiés fais
longtemps avoit entre les predecesseurs
d’iceulx roys pour cause de la conté de
Champaigne
. Tant aussi pour cause
du mariage du roy de Navarre, qui avoit
espousee la fille du dit roy de France, par
lequel mariage lui avoit esté promise
certaine quantité de terre, c’est assavoir
XIIM livres a tournois. Pour lesquelles
XXXVIIIM livres tournois, le roy de Navarre
voult avoir la conte de Beaumont le
Rogier
, la terre de Bretueil en Normandie,
de Conches et d’Orbec, la viconté de Pontau
demer
et le bailliage de Constantin lesqueles
choses lui furent accordees par le roy de
France
. Ja soit ce que la dicte conté de Beau
mont
et les terres de Conches, de Bremeil
et d’Orbet feussent a monseigneur Phelippe, frere du
dit roy de France qui estoit duc d’Orleans
.
Auquel le roy bailla autres terres en
recompensation. Oultre convint accorder
au roy de Navarre pour paix avoir que
les dessus dis de Harecourt et tous ses
autres aliés entreroient en sa foy, s’il leur
plaisoit, de toutes leurs terres quelle part
qu’elles feussent ou royaume de France.
Et en aroit le dit roy de Navarre les hom
mages s’il leur plaisoit et autrement non.
Encore lui fu accordé qu’il tenroit toutes
les dictes terres avec celles qu’il tenoit par
avant en pairie. Et pourroit tenir eschi
quier II fois l’an s’il vouloit aussi noblement
comme le duc de Normandie. Et lui fu accordé
que le roy de France pardonroit a tous ceulz
qui avoient esté a mettre mort le connestable
la mort d’icellui. Et ainsi le fist et promist
par son serement que jamais pour occasion
de ce ne leur feroit ou feroit faire vilenie
ou dommage. Avec toutes ces choses eut le
roy de Navarre une grant somme d’escus d’or
du roy de France. Et avant que le roy de
Navarre
voulsist venir devers le roy de
France
, il convint que l’en lui envoiast par
maniere d’ostage le conte d’Anjou, second
filz d’icellui roy de France
. Aprés ce vint
a Paris a grant foison de gens d’armes GCF 6-6 sync le

mardy IIIIe jour de mars ou dit an si
vint en Parlement pour la mort du dit
connestable environ heure de prime. Et
descendi ou palais et entra en la chambre
de Parlement
en laquelle estoit le roy
de France
en siege et pluseurs de ses pers avec
ses gens de Parlement et pluseurs autres de son
conseil
. En la presence de tous pria le roy de
Navarre
au roy qu’il lui vousist pardonner
le dit fait du dit connestable car ce avoit
il fait a juste cause laquelle il offroit
dire au roy. Oultre dist et jura qu’il ne
l’avoit fait en content du roy ne de son
office
et qu’il ne seroit de riens tant cour
roucié comme d’estre en l’indignation du
roy. Et dont monseigneur Jaques de Bourbon,
connestable de France
, du commandement
du roy mist la main au roy de Navarre.
Puis le fist l’en traire arriere et tost aprés
la royne Jehanne, ante, et la royne Blanche,
suer du dit roy de Navarre
, laquelle Jehanne
avoit esté femme du roy Charles et la dicte
Blanche avoit esté femme du dit roy Phelippe
derrenier trespassé
, vindrent en la presence
du roy et s’enclinerent devant lui. Et
dont monseigneur Regnaut de Trie dit Patroillart
s’agenoilla devant le roy et dist ainsi : "Mon
tresredoubté sire
, veéz cy mesdames les roynes
Jehanne et Blanche
, lesquelles ont entendu
que le roy de Navarre est en vostre male
grace. Pourquoy elles de ce dolentes sont
devers vous venues et vous supplient
que vous lui vueilliés pardonner vostre
mautalent. Et se Dieu plaist, il se portera
si bien envers vous que vous et tout le
peuple de France vous en tenréz pour bien
contens." Ces paroles dictes le connestable
et les mareschaux alerent querre le roy
de Navarre
et le firent venir derechief
devant le roy et il se mist ou milieu des
dictes roynes. Et dont dist le cardinal de
Bouloingne
: "Monseigneur de Navarre, nul ne
se doit esmerveillier se le roy mon seigneur
s’est tenu pour malcontent de vous pour
le fait qui est avenu, lequel il ne couvient
ja que je le die. Car vous l’avéz si publié
par voz lettres et autrement partout que
chascun le scet. Car vous estes tant tenu pb 120 v