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L’ordenance des batailles du roy de
France qui furent grande et estofees.

Il est bien verité que le roy de France
avoit si grant peuple et tant
de nobles et de bonne chevalierie
que ce seroit merveilles a recorder.
Car ainsi que je oÿ dire ceulx qui
y furent et qui les aviserent tous
arméz et ordonnéz sus les champs. Il
y ot XIXX VII banieres, VC LX pennons,
IIII roys, VI ducs, XXXVI contes et plus
de IIIIM chevaliers, et de communes de France
plus de LXM. Les roys qui estoient avec le
roy de France, Phelippe de Valois estoient le roy
de Behaingne, le roy de Navarre et le roy
David d’Escoce. Le duc de Normandie, le duc
de Bourgoingne, le duc de Bretaigne, le duc
de Bourbon, le duc de Lorraine et le duc
d’Athenes. Des contes, le conte d’Alençon,
frere au roy de France, le conte de Flandres,
le conte de Hainau, le conte de Bloys, le conte
de Bar, le conte de Forés, le conte de Fois, le conte
d’Armignac, le dauphin d’Auvergne, le conte
de Genville, le conte d’Estampes, le conte de
Vendosme, le conte de Harecourt, le conte
de Saint Pol, le conte de Guines, le conte de
Bouloingne, le conte de Roussi, le conte de
Dampmartin, le conte de Valentinois, le
conte d’Aucerre, le conte de Saussoirre, le conte
de Geneve, le conte de Dreux. Et de celle de
Gascoingne et de la Languedoc, tant de contes,
de vicontes que ce seroit un detry a recorder.
Certes c’estoit tresgrant beauté que de
veoir sur les champs banieres et pennons
venteler, chevaux couvers, chevaliers et
escuiers arméz si tres nettement que riens
n’y avoit que amender. Et ordonnerent les
François III grosses batailles et mistrent
en chascune XVM hommes d’armes et XXM
hommes a pié. Si se puet on et doit gran
dement esmerveillier comment si belles
gens d’armes se porent partir sans bataille.
Mais les François n’estoient point d’accort
ainçois en disoit chascun son oppinion, et
disoient par estrif que ce seroit grant honte
et grant defaute se le roy ne se combatoit
quant il savoit ses ennemiz si pres de lui

en son paÿs rengiés et aux plains champs
et les avoit suis a l’entente que de combatre
a eulx. Les aucuns des autres disoient
a l’encontre que ce seroit grant folie se il
se combatoit. Car il ne savoit que chascun
y pensoit ne se point de traison y avoit.
Car se fortune lui estoit contraire il met
toit son royaume en aventure de perdre.
Et se il desconfisoit ses ennemiz pour ce
n’aroit il mie le royaume d’Engleterre
ne les terres des seigneurs qui avec lui
aliés estoient. Ainsi estrivant et debatant
sur ces diverses oppinions le jour passa
jusques a grant midy. Environ petite
nonne un lievre s’en vint trespassant parmy
les champs et se bouta entre les François
dont commencierent ceulz qui le virent a
crier et a huer et faire grant harou de quoy
ceulz qui estoient en derriere cuidoient que
ceulx de devant se combatissent et les pluseurs
qui se tenoient en leurs batailles tous
rengiés feissent autel. Si mistrent les
pluseurs leurs bacinés en leurs testes et
prindrent leurs glaives. La y ot fait
pluseurs nouveaux chevaliers. Et par especial
le conte de Haynau en fist XIIII que on
nomma tousjours depuis les chevaliers du
lievre. En cel estat se tindrent les batailles
ce venredy tout le jour et sans eulx mouvoir
fors par la maniere que j’ay dit. Avec tout
ce et les estrifs qui estoient ou conseil du
roy de France estoient portees en l’ost lettres
et recommandations au roy Phelippe de
France et a son conseil depar le Robert de
Cecille. Lequel roy Robert, si comme on disoit,
estoit un grant astronomien et plain de
grant prudence si avoit pluseurs fois
gettéz ses sors sur l’estat et les avenues
du roy de France et du roy d’Engleterre et avoit
trouvé en l’astrologue et par experience que
se le roy de France se combatoit au roy d’Engleterre,
il couvenoit qu’il feust desconfit. Dont
il comme roy plain de congnoissance et
qui doubtoit ce peril et le dommage du roy
de France et son cousin avoit ja envoié
de longtemps moult soingneusement
lettres et epistres au roy Phelippe et a son conseil
que nullement ilz ne se meissent en bataille
contre les Englois, la ou le corps du roy pb 34 v

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