pb 118 voccirre ung homme en
Gand qui lui estoit
contraire et desplaisant. Et au com
mandement du
conte Jehan Lion prist paroles et debat a cellui
et l’occist. Le
bourgois mort qui s’appelloit
Space: 13 letters. Il s’en vint demourer a
Douay, et la
fut pres de trois ans et tenoit bon estat et grant et tout paioit le
conte. Pour
celle
occasion
Jehan Lion perdit ung jour tout ce qu’il y avoit, et fut banni de la
ville de Gand cinquante
ans et ung jour. Depuis le
conte de Flandres exploicta
tant qu’il lui fist paix avoir a partie et ravoir
la
ville de Gand, et la franchise
ce que on n’avoit oncques mais veü. Dont pluseurs gens en
Gand
et en
Flandres furent moult esmerveilléz, mais ainsi fut et en advint. Avecques tout ce le
con
te,
pour le recouvrer en chevance et pour tenir son estat, le fist doyen des naieurs.
Cest office lui
pouoit bien valoir mil livres l’an, a aler droiturierement avant.
Ce
Jehan Lion estoit si tres bien du
conte que nul mieulx de lui.
¶ En ce temps
avoit ung autre lignage a
Gand qu’on appelloit les
Mahieux et estoit VII
freres
et les plus grans de tous les nayeurs. Entre ces freres en y avoit ung qui
s’appelloit
Guisebert Mahieu, riche homme, sage et soubtil et entreprenant grande
ment trop plus que nul de
ses freres. Ce
Guisebert avoit grant envie sur ce
Jehan Lion couvertement de ce que il le veoit si
bien du
conte de Flandres et soub
tilloit jour et nuit comment il le pourroit oster de sa grace.
Plusieurs foiz
eut en penscé qu’il le feroit occirre par
ses freres, mais il ne parosoit pour
la
doubtance du
conte seuleument, et tant subtilla, visa et ymagina qu’il trouva
le chemin. Et la cause
pourquoy principaulment ilz s’entreheoyeent, je la vous
diray pour mieulx venir a la fondacion de
ma matere. Anciennement avoit
eu en le
ville du Dan une guerre mortelle de deux riches hommes
navieurs
et de leurs lignages, qui s’appelloient l’un sire Jehan Pié et l’autre
sire Jehan Barde, par
celle
guerre d’amis estoient mort bien XVIII hommes.
Guisebert Mahieu de Gand et
ses freres
estoient du linage de l’un,
Jehan Lion estoit de l’autre. Ces haynes
couvertes estoient ainsi de
longtemps nourries entre ces deux, quoyqu’ilz par
lassent, beussent et mengassent aucunes foiz
ensemble, et trop plus grant
compte en faisoient les
Mahieu que ne faisoit
Jehan Lion ne faisist.
Gisebert Mahieu,
qui subtilloit a destruire
Jehan Lion sans cop ferir, advisa ung subtil tour.
Et
sejournoit une foiz le
conte de Flandres a
Gand, Guisebert s’en vint a l’un
des plus prouchains
chambellans du
conte et s’acointa de lui et dist ainsi
que se
monseigneur le conte de Flandres
vouloit, il aroit ung grant prouffit tous les
ans sur les navieurs ou il n’a maintenant riens, et ce
prouffit tous les estran
gers navieurs paieroient, voire mais que
Jehan Lion, qui est doien et maistre
des navieurs, s’en voulsist loiaument acquiter. Ce chamberlan dist que il re
monstreroit ce au
conte, ainsi qu’il fist. Le
conte, ainsi que plusieurs seigneurs
par nature sont enclins a leur prouffit
et ne regardent mie loiaument a la fin
ou les choses peuent venir, fors d’en avoir la mise et la
chevance, et ce les deçoit,
respondit a son varlet: "Faictes moy venir
Guisebert Mahieu et nous
orrons ce
qu’il veult dire." Il le fist.
Guisebert parla au
conte et lui remonstra plusieurs
raisons
raisonnables, ce sembloit il au
conte, par quoy le
conte respondit: "C’est bon
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