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Nous nous souffrerons ung petit a parler de Phelippe d’Artevelle
et parlerons du jeune roy Charles de France qui sejournoit a
Arras, lequel avoit tres grant voulenté, et bien le monstroit,
d’entrer en Flandres pour abatre l’orgueil des Flamens. Et tous
les jours lui venoient gens d’armes de tous costéz. Quant le roy eut
sejourné a Arras huit jours, il s’en partit et s’en vint a Lens en Artois, et
la fut deux jours. Au tiers jour de novembre il s’en vint a Seclin et s’ares
ta. Et furent les seigneurs, le connestable de France et les mareschaulx
de Bourgongne, de France et de Flandres ensamble en conseil pour savoir
comment on se ordonneroit, car on disoit communement en l’ost que c’estoit
chose impossible d’entrer en Flandres, ou cas que les passages de la riviere
estoient si fort gardéz. Encores derechief tous les jours il plouvoit tant
que on ne pouoit aler avant, et disoient les aucuns sages du royaume
de France
que c’estoit grant oultrage d’avoir amené le roy par cel temps si
avant en tel paÿs, et que on deust bien avoir actendu jusques a l’esté
pour guerrier en Flandres. La dist le sire de Cliçon, connestable de France, en
conseil : "Je ne me congnois en ce paÿs de Flandres, car onques n’y fus. Dictes
moy, ceste riviere du Lis est elle si male a passer que on n’y peut trouver
passage fors que par les certains pas ?" "Sire, oyl, ne il n’y a nul gué, et siet
tout son courant sur marescages, ou l’en ne pourroit chevaucher." Lors de
manda le connestable : "Et dont vient elle d’amont ?" On lui respondit que elle
venoit de devers Aire et Saint Omer. "Puisqu’elle a commencement," dist le
connestable, "nous la paserons bien. Ordonnons nos gens et leur faisons
prendre le chemin de Saint Omer, et la passerons nous la riviere a nostre aise et
enterons en Flandres et yrons ces Flamens combatre au long du paÿs
ou qu’ilz soient devant Ypre ou ailleurs. Ilz sont bien si orguilleux et si oul
trecuidéz qu’ilz venront contre nous." A ce propos du connestable s’acordoient
tous les mareschaulx, et demourerent en cel estat celle nuit jusques au len
demain que le sire de Labreth, le sire de Couci, messire Aymenion de Pommiers, mes
sire Jehan de Vienne, admiral de France, messire Guillaume de Poictiers, bastard de
Lengres, le Begue de Vilaines, messire Raoul de Coucy, le conte de Conversant, le
viconte d’Arsi, messire Raoul de Raineval, le sire de Sempy, messire Guillaume des
Bordes, le sire de Sulli, messire Olivier de Claquin, messire Morice de Striquedi, messire
Gui le Baveux, messire Nicolas Penniel, les deux mareschaulx de France et de Bour
gongne, , messire Loÿs de Censerre et le seigneur de Blemville, le mareschal de Flan
dres, messire Enguerran d’Enduis, vindrent en la chambre du connestable de France
pour avoir certain arrest et advis comment on se ordonneroit, se on passeroit
parmy Lisle pour aler a Commines et a Warneston, ou les pas estoient gardéz,
ou se on yroit amont vers la Gorge, le Ventre et Saint Venant et Estelles, passer
la la riviere du Lis. La eut entre ces seigneurs plusieurs paroles retournees,
et disoient ceulx qui congnoissoient le paÿx : "Ou tamps de maintenant, certes,
il ne fait nul aler en ce paÿx de Clarembault, en la terre de Bailleul, en la chastelle
nie de Cassel
, de Furnes ne de Bergues." "Et quel chemin tenrons nous donques?" pb 219 v