Au matin, nous nous parteismes
de Montesquieu et chevauchasmes vers Palamyninch, une bonne ville fremee
seant sur la Garonne, qui est au conte de Foeis. Quant nous fusmes venus moult
pres de la, nous cuidasmes passer au pont sur la Garonne pour entrer en la ville; mais nous ne peusmes, car le jour devant il avoit tant pieu ens es
montaignes de
Cathellongne et d’Arragon, par quoy une autre riviere qui vient d’icellui paÿs, qui s’appelle le Sallas, estoit tant crute, avec ce que elle court
radement, que elle en avoit mené aval
la Garonne et rompu ung arch du pont qui
est tout de bois; pourquoy il nous convint retourner a Montesquieu, et disner et
la estre tout le jour. A l’endemain, le chevalier eut conseil que il passeroit au devant de
la ville de Casseréz, a batiau, la riviere; si chevauchasmes celle part et
venismes sur le rivaige et feismes tant que nous et nos chevaux fusmes oultre, et vous di que nous
traversasmes la
riviere de Garonne a grand paine et en grant peril, car le batiau n’estoit
pas trop grant ou nous passasmes, car il n’y pouoit entrer que deux chevaulx au
cop et cheulx qui
les tenoient et les hommes qui le batiau gouvernoient.
Quant nous fusmes oultre, nous arrestasmes a Cassers, et demorasmes la tout
le jour. Endementres que on
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appareilloit le soupper, le chevalier me
deist: "Messire Jehan, alons veoir la ville." "Sire," di ge, "je le vueil." Nous passasmes au long de la ville et venismes a
une porte qui siet devers Palamyninch, et passasmes oultre et venismes sur les
fosséz. Le chevalier me monstra ung pan de mur de la ville et me dist: "Veéz vous ce mur illec?" "Oïl, sire," di ge, "pourquoy le dictes
vous?" "Je le di pour tant", dist le chevalier, "vous veéz bien que
il est plus neuf que les autres." "C’est verité", respondi ge. "Or," dist
il, "par quelle incidence ce fut, et quelle chose; y a environ X ans il en avint."
"
Autrefois vous avéz bien oÿ parler de la guerre le conte
d’Armignac et du conte de Foeis, et comment pour le
paÿs de Berne,
que le conte de Foeis tient, le conte d’Armignac l’a guerrié et encore guerrie,
quoyque maintenant il se repose; c’est pour les trieves qu’ilz ont ensemble, et vous di que les
Arminags ne les
Labrisiens n’y ont riens gaingnié, mais perdu
par trop de fois trop
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