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faisoient ilz faire les pourveances
si grandes et si grosses et si cou
stables que merveilles est au
penser ne ou les biens estoient
pris qui arivoient en Flandres
par terre et par mer, a Bruges,
au Dan et a l’Escluse. Et furent
des la Saint Jehan envoié querre
en Hollande et en Zellande, a Mel
debourch
, a Zereciel, a Dourdrech,
a Scouvehove, et en toutes les
autres villes sur mer ou sur
les rivieres rentrans en mer
tous les gros vaisseaulx dont
on se pouoit aidier, et tous levéz
et amenéz a l’Escluse; mais Hol
landois
et Zellandois disoient
quant on les avoit levéz et
retenus: "Se vous voléz que nous
soions a vous et avoir nostre
service, si nous paiéz tout seck,
autrement nous n’irons nulle
part." La estoient ilz paiéz, dont
ilz furent saiges, avant qu’ilz
partesissent ne voulsissent partir
de leurs havres ne de leurs
maisons. Oncques puis que
Dieu crea le monde on ne veÿ
tant de nefs ne de gros vaissi
aux ensamble comme il y ot en
cel an en la mer ou havre de
l’Escluse
, et sur la mer entre
l’Escluse et Blanquebergue
car ou mois de septembre en
l’an dessus dit ilz furent nombréz
a IIIIXX et VII vaisseaux. Ce sam
bloit des mas a l’Escluse qui
regardoit en la mer ung grant
bois et encores n’y estoit pas

la navie du connestable de France,
messire Olivier de Clichon, qui
s’ordonnoit et appareilloit a Lan
crigiet en Bretaigne. Avec tout
ce le connestable de France fai
soit faire, ouvrer et charpenter
en Bretaigne l’enclosure de une
ville et tout de bon bois et gros,
pour asseoir en Engleterre, la
ou ilz leur plairoit, quant ilz
y aroient pris terre, pour les
seigneurs logier et retraire de
nuit, pour eschiever les perilz
de resvillemens et pour dormir
plus aise et mieulx asseur.
Et quant on se deslogeroit de
une place et on iroit en autre,
celle ville estoit tellement or
donnee, ouvree et charpentee
que on la pouoit deffaire par
carnieres ainsi que une cou
ronne, et raseoir membre a
membre, et y avoit grant foi
son de charpentiers et d’ouvriers
qui l’avoient compassee et ou
vree, et savoient comment elle
devoit aller, et de ce estoient
ilz retenus et avoient grans
gaiges. En celle armee qui
devoit aler en Engleterre je n’oÿ
point nommer le duc de Bretaigne
que il fesist nulles apparances
ne provisions en Flandres, ne
le duc de Thouraine, le jone frere
au roy
, ne le conte d’Alençon,
ne le conte de Blois, mais tous
n’y pouoient pas aler, il conve
noit que il en demorast en Fran
ce pour aidier a garder le royaume. pb 115 v