firent leur mestier. Si leur donna le duc cent nobles et
aux heraulx autant, dont ilz crioient largesse a plaine gueule. Aprés ce disner et toutes les choses
acomplies, les seigneurs prinrent congié amiablement l’un a
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l’autre, le duc au roy et le roy au duc, et se contenterent grandement de
ceste assamblee, et tenoient toutes leurs choses et ordonnances dessus dictes pour si fermes et
pour si arrestees, que plus ilz n’en parloient. Si se departirent l’un de l’autre sur le tart et prinrent
a celle fois congié finale jusques a une autre fois que ilz se verroient. Le roy parti et le
duc d’autre part, vous veissiéz varléz ensonniéz de descendre draps et de tourser, et ne
cesserent toute la nuit, et le dimenche on mist tout a voiture et se departi le roy de Portingal de Acousson et retourna vers le Port, et
le duc aussi de Margasse et prist le chemin de
Galice.
Si le convoia a C lances de
Portingal le conte de Navare, et le mena tant que il fu hors de tous perilz, et puis print congié le conte, et retourna
arriere en
Portingal, et le duc s’en vint a
Saint Jaques en Galice.
Moult desiroit la duchesse de Lancastre la revenue du duc son mary et seigneur, pour savoir toutes nouvelles, et comment les acointances se seront
portees. Si fu le duc le bien venu a son retour; ce fu rayson. La
dame li demanda du roy de Portingal quelle chose il lui en sambloit. "Par
ma foy, damme," dist le duc, "il est gracieux homs et a bien corps,
maniere et ordonnance de vaillant homme et est mon espoir que il regnera en puissance, car il est
amé de ses gens et dient que ilz n’eurent, passé a cent ans, roy qui si bien
leur cheist en cuer ne en grace, et n’a encores d’eage que XXVI ans. Il est fort
chevalier et dur selon la nature portingaloise, et est bien taillié de corps et de membres pour porter
et souffrir paine." "Et des mariages", dist la dame, "comment en
va?"
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"Damme," dist le duc, "je luy ay
accordé l’une de mes filles." "Laquelle?", dist la damme. Dist
le duc: "Je ly mis a choisir ou de Katherine ou de Philippe. Il m’en sceut bon gré, toute fois il est arresté sur Philippe."
"Il a rayson," dist la duchesse, "car ma fille Katherine est
encore trop jone pour luy." Ainsi en telles paroles le duc et la duchesse
passerent le jour et aussi le temps; faire le convenoit, car l’iver approchoit. En ce
paÿs de
Galice ne en
Portingal on ne scet que c’est d’iver; tousjours y fait il chault,
et meurissent les grains nouviaux telz que plusieurs fruis y sont en mars: feves, pois et serises, et
les nouvelles herbes toutes grandes en fevrier. On y vendenge devant la Saint Jehan; en pluseurs lieux, a la Saint Jehan Baptiste, tout y est passé.
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