luy, ne vouloit boire, mais dist a l’escuier qui tenoit
la couppe par maniere d’errederie: "Va et se dy a ton maistre Camdos qu’il boive." "Pourquoy", dist l’escuier, "y yroi ge? Il a but; buvéz puisque on le vous
offre, et, se vous ne buvéz, par
saint George, je le vous jetteray parmy le visaige."
Le conte, quant il oÿ ceste parolle, doubta
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que l’escuier ne fesist sa
testee, car il estoit bien oultragieux de cela faire. Il prist la couppe et le mist a bouce et but; a tout
le moins en fist il contenance.
Messire Jehan Camdos qui n’estoit pas loings de la avoit
bien veü toutte l’ordonnance, car il le veoit et ooit trop cler. Et aussi a son retour et la
meismement, entreus que le
prince s’esclusoit de parolles a son chancellier,
il lui compta le fait.
Messire Jehan Camdos se souffry, tant que le
prince fut
retrais. Adont s’en vint il devers le conte d’Asquessuffort et dist ainsi: "Messire
Aubery, vous estes vous indignéz se je ay but devant vous, qui suy connestable de ce
paÿs? Je puis bien et doi boire et passer devant vous, puisque mon tres redoubté
seigneur le roy d’Angleterre et
monseigneur le prince le vueillent. Il est bien verité
que vous fustes a la
bataille a Poitiers, mais tous ceulx qui sont cy ne sevent pas si bien
la maniere que je fay; si le diray, par quoy ilz le retinront. Quant
monseigneur le prince ot fait son voyaige en la Languedock, a
Carcassonne, a
Nerbonne, et il s’en fut par Fougaus et par Masseres retourné a
Bourdiaulx, ce fu en ceste ville
et il vous vint en agree
vous vous vous partesistes et retournastes en
Angleterre et alastes
devers le roy. Que vous dist le roy? Je n’y fu pas et si le say bien. Il vous
demanda se vous aviéz ja fait vostre voyaige, et apréz que vous aviéz fait de son filz.
Vous respondesistes :"Sire, je l’ay laissié en bonne santé a
Bourdiaulx." Dont dist le roy : " Et comment estes vous si oséz que vous estes
retournéz sans luy, sur quant
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que il se peult fourfaire, et vous estes retournéz.
Et je vous commande", dist le roy, "estroictement que dedans IIII jours vous aiéz vuidié mon royaulme et que vous en raléz devers luy, et, se
vous y estes trouvéz au ve jour, je vous tolray la vie et vostre hiretaige. Vous doubtastes la parolle
du roy, c’estoit raison et vous partisistes d’
Angleterre et eustes
l’aventure et la fortune asséz bonne; car vrayement vous fustes en la compaignie de
monseigneur le prince de Galles quattre jours avant que la bataille
se fist, et euistes le jour de la
bataille de Poitiers quattre lances de charge
et moy LX. Or regardéz dont se je ne puis boire ne doy devant vous, qui sui
connestable d’Acquitainne." ¶ Le conte d’Asquessufort estoit honteux et eust
bien volu estre ailleurs que la; mais
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