pb 6 vles ungs sur les autres comment ilz se peussent trouver en party de fait
d’armes
prendre et embler villes, chasteaulx et forteresses. Et pour ce
je
sire Jehan
Froissars, qui me suys ensonnié de dicter et cronisser ceste
histoire a la requeste,
contemplacion et plaisance de
hault prince et
renommé messire Guy de Chastillon, conte
de Blois, seigneur d’Avenes,
de Beaumont, de Stonnehonne et de la Geude, mon bon et
souverain
maistre et seigneur, consideray en moy mesmes que pas n’estoie
taillé
en long temps que grans faiz d’armes avenissent es marches
de
Picardie et
du
païs de Flandres puis que paix y avoit. Et
grandement m’ennuyoit a estre oiseux.
Car bien sçay que ou temps
a venir quant je seray mort et pourry, ceste noble et haulte
histoire
sera en grant cours et y prandront tous nobles et vaillans gens
plaisance et
augmentacion de bien. Et encores que je avois Dieu mercy
sens et memoire et bonne
souvenance de toutes les choses passees, engin
cler et agu pour concevoir tous les faiz dont
je pourroie estre in
formés touchans a ma principalle matiere, aise, corps et membres
pour
souffrir peine, m’avisay que je ne vouloie pas sejourner de non
poursuir ma
matiere. Et pour savoir la verité des loingtaines besongnes
sans que je y
envoyasse autre personne en lieu de moy, pris voye
raisonnable et achoison d’aller devers
hault prince et redoubté, maistre
Gaston, conte de Foix et de Bierne. Et bien savoie que se je pouoie
avoir la grace de venir en son hostel et la estre a
loisir je ne pourroie
ou monde mieulx escheoir pour estre informé justement de
toutes
nouvelles. Car la sont et retournent moult voulentiers tous chevaliers
et escuiers
estrangiers pour la haulte noblesse de luy, et tout ainsi
comme l’ymagine, il m’en advint, et remonstray ce et le voiage que
je vouloie faire a mon tres redoubté le
conte de Blois, lequel me bailla
ses lettres de familiarité adreçans au conte de Foix et tant chevauche
en querant de tous coustéz nouvelles que par la grace de Dieu sans
peril et sans dommage je vins en
son hostel a Ortais ou paÿs de Beerne le jour saincte Katheline, l’an de Grace mil CCC quatre vings et
huit.
Lequel conte de Foix, si tost comme il me vit, me fist bonne
chiere et
me dist en riant en bon françois que bien me congnoissoit
et si ne m’avoit oncques mais veü,
mais plusieurffoiz avoit oÿ
parler de moy. Si me retint en son hostel et tout aise avecques
le bon moyen des lettres que je lui avoye portees, tant comme il m’y
pleust
a estre. Et fuz la informé de la greigneur partie des besongnes
qui estoient
advenues ou
royaume de Castille, de Portingal, de
Navarre, d’Arragon et ou
royaume d’Angleterre, ou
païs de Bour
bonnois et en toute la Gascongne. Et il mesmes quant je luy en
demandoie aucune chose, il le me
disoit moult vouluntiers.
Et me disoit bien que l’istoire que je poursuivoie seroit
ou temps
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