la
principale cause et racine de la guerre du conte de Flandres et des Flamens. Et comment les Blans
Chapperons furent mis sus par
Jehan Lion.
En ce temps que le
conte Loÿs
de Flandres estoit en sa grei
gneur propperité, avoit
un bourgois
a Gand qui s’appelloit Jehan Lion, sage
homme, soubtil, hardi, cruel et entrepren
nant et froit au besoing asséz. Cil
Je
han fut si tresbien du
conte comme il
apparust. Car le
conte l’embesoingna
de faire occire un homme a
Gand qui lui
estoit contraire et desplaisant, et au
commandement du
conte couverte
ment
Jehan Lion prinst parolles et
debat a lui et l’occist. Le bourgois ot
grant plaintes de tous. Et pour do
ultance il vint demourer a
Douay,
et la fut pres de trois ans et tenoit
bon estat et grant et tout
paioit le
conte.
¶ Pour celle occision
Jehan Lion en la
ville de Gand perdi
un jour tout
ce qu’il y avoit, et fut bannis de la
ville
de Gand XL ans. Depuis le
conte de
Flandres exploicta tant qu’il lui fist
paix
avoir a partie et ravoir la
ville
de Gand, et la franchise ce que on n’a
voit
oncques veü. Dont plusieurs
gens en
Gand et en
Flandres
furent
moult esmerveilléz, mais ainsi fut
et advint. Avecques tout ce le
conte,
pour le recouvrer en chevance et tenir
son estat, le fist doien des naieurs. Cel
office lui pouoit bien valoir mil livres
l’an, a aler droiturierement avant.
Cil
Jehan Lion estoit si
bresbien du
conte que nulz mieulx de lui. En
ce temps avoit un autre lignage
a
Gand que on appelloit les
Mahieux et estoient
sept freres et les plus
grans
de tous les naieurs. Entre ces VII
freres
en y avoit un qui s’appelloit
Gi
sebrest Mathieu, riche homme, saige et
soubtil et entreprennant grandement
trop plus que nulz de
ses freres. Cil
Gisebrest avoit grant envie sur
Jehan
Lion
couvertement de ce qu’il le veoit
si bien du
conte de Flandres et soub
tilloit
nuit et jour comment il le pour
roit oster de sa grace. Plusieurs fois
il ot en pensee que
il le feroit occire
par
ses freres, maiz il ne parosoit
pour la doubtance du
conte. Tant
soubtilla, visa et ymagina qu’il trou
va le chemin. Et la cause pourquoy
principaulment ilz s’entreheoient, je
le vous diray pour mieulx venir a
la
fondacion de ma matere.
¶ Ancien
nement avoit eu en le
ville du Dan une guerre mortelle de
deux riches
hommes naieurs et de leurs lignages,
qui
s’appelloient l’un
sire Jehan Pierre et l’autre
sire Jehan Barde, par celle
guerre d’amis estoient mort d’eulx
XVIII.
Gisebrest Mathieu et
ses freres estoient du lignage de l’un,
Jehan
Lion de l’autre. Ces haynes couvertes
estoient ainsi de longtemps nourries
entre
ces deux, quoyqu’ilz parlassent,
beussent et mengassent a la foiz en
semble, et trop plus grant compte en
faisoit le lignage
Mathieu que
Jehan
Lion ne faisoit.
Gisebrest Mathieu,
qui
soubtilloit a destruire
Jehan Lion sans coup ferir, advisa un soubtil tour.
Et sejournoit une foiz le
conte de
Flandres a
Gand, il s’en
vint a l’un des
plus prouchains chambellans du
conte et s’accointa de lui et
dist:
"Se
monseigneur de Flandres vouloit, il auroit
tous les ans un grand
prouffit sur
les navieurs, dont il n’a maintenant
riens. Et ce prouffit les estraingiers
navieurs paieroient, voire mais que
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