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impetrer benefice. Car
de mon heritaige vous
n’auréz riens, et une foiz
pour toutes je le vous
defens." ¶ Le clerc se
doubta du chevalier.
Car il estoit cruel, et
n’osa perseverer, si cessa
et advisa qu’il s’en re
tourneroit en Avignon
si comme il fist. Mais
quant il deust partir
il vint en la presence
du chevalier et seigneur
de Corasse et lui dist:
"Sire, par vostre force
et non de droit vous
me tolléz et ostéz les
drois de mon eglise,
dont en conscience vous
vous meffaictes gran
dement. Je ne suis pas
en ce paÿs si fort comme
vous estes. Mais sachiéz
que au plus tost que je
pourray je vous envoye
ray tel champion que vous
doubteréz plus que vous
ne faictes moy." ¶ Le sire
de Corasse ne tint compte
de ses menaces et lui
dist: "Va a Dieu! Va, faiz
ce que tu puez! Je ne te
doubte plus vif que mort.
Ja pour tes paroles ne per
deray mon heritaige."
Ainsi se departit le clerc
du seigneur de Corasse
et s’en retourna je ne
sçay quele part en Caste
longne
ou en Avignon
et ne mist pas en oubli
ce qu’il avoit dit au par
tir au seigneur de Corasse.
¶ Quant le chevalier

y pensoit le moins, environ
trois moys appréz vin
drent a son hostel
de Corasse
la ou il se
dormoit en son lit
deléz sa femme, messagiers
invisibles qui commence
rent a tresbuschier et a
tempester tout ce qu’ilz
trouvoient dedens le
chasteau par tele maniere
qu’il sembloit qu’ilz deuf
sent
tout abatre, et frap
poient les coups si grans
a l’huys de sa chambre que la
dame qui gisoit estoit
toute effrayee. ¶ Le
chevalier oioyt bien tout
cela, mais il ne vouloit
mot sonner. Car il ne
vouloit monstrer couraige
d’homme esbahi, et aussi
il estoit hardi asséz pour
attendre toutes adven
tures. Ces tempestemens
et effrois fais en pluiseurs
lieux parmi le chasteau
durerent ung long
espace de temps, et puis
tout cessa. ¶ Quant
ce vint a l’endemain tou
tes les mesgnies de l’ostel
s’assamblerent et vin
drent au seigneur si tost
qu’il fut levé et luy
demanderent: "Monseigneur,
n’avéz vous point ouÿ
ce que nous avons ouÿ
en ceste nuyt?" Le sire
de Corasse se faignit et
dist: "Nom, quele chose
avéz vous ouÿ?" Adont
recorderent ilz et lui
dirent comment on avoit
tempesté aval son chasteau pb 64 v