ent les gens de l’une ville a l’autre
faire leurs marchandises. Tant
fut parlé et
demené l’affaire secre
tement que
Aymery s’enclina a ce
marchié,
parmi XX
M escus qu’il
devoit avoir au livrer du
chastel.
Et se tint le dit
messire Geffroy pour tout asseuré de ce marchié.
Or advint que le
roy d’Angleterre le sçot, je ne sçay mie comment
ce
fut ne par quelle condicion,
mais il manda le dit
Aymery qu’il
venist parler a lui a
Londres.
Le
Lombart, qui jamais n’eust
pensé que le
roy d’Angleterre sce
ust cest affaire, car trop secre
tement l’avoient demené, entra
en une nef et arriva a
Dovres,
et
vint a
Londres. Quant le
roy vit son
Lombart, il le
tira
d’une part et dist: "
Aymery, vien
avant. Tu sces que je t’ay
donné
en garde la chose du monde que
plus ayme aprés
ma femme et
mes enffans: c’est le
chastel
et la ville de Calais. Et tu l’as ven
due aux
François et me veulx
trahir. Tu as bien deservi mort."
Aymery fut tout esbahy des
parolles du
roy, car il se sen
toit forfait. Si se getta a ge
noulz devant le
roy et dist en
criant merci
a jointes mains:
"Ha
gentilz sires, pour Dieu
mercis, il est bien voirs
ce que
vous dittes. Mais encores se
puet bien le marchié tout des
rompre, car je
n’en receus onc
ques denier." Le
roy ot pitié
du
Lombart,
qui moult avoit
amé. Car il l’avoit nourry d’en
fance. "
Aymery,
se tu veulx fai
re ce que je te diray, je pardonneray
mon maltalent."
Aymery, qui
grandement se reconforta
de celle parolle, dist: "
Monseigneur, je
le feray quoy que couster me
doyve." "Je vueil," dist le
roy, "que
tu poursuivez ton marchié. Et
je seray si fort en
la
ville de Ca
lais a la journee, que les
Fran
çois ne l’aront
mie ainsi qu’ilz
cuident. Et pour toy aidier
excuser, se Dieu me vueille ai
dier,
j’en sçay pire gré a
monseigneur
Geffroy de Charni que a toy, qui
en
bonnes trieves a ce pourcha
cié."
Aymery de Pavie se leva a
tant, qui en grant paour a
voit esté et dist: "Certes,
treschier
sire par
son pourchas voire
ment a ce esté, non pas par le
mien, car jamais je n’y eusse osé
penser." "Or va," dist le
roy, "et fay
la besoingne ainsi
que je t’ay dit,
et le jour que tu devras livrer le
cha
stel, si le me signifie." En cel estat
et sur la parolle du
roy se parti
Aymery de
Pavie et se retourna
arriere a
Calais, et ne fist sem
blant a
ses compaignons de
chose qu’il eust en pensé de fai
re.
Monseigneur Geffroy
de Chargny,
qui se tenoit pour tout asseuré
d’avoir le
chastel de Calais, pour
vei de l’argent. Et croy qu’il n’en
parla oncques au
roy de France.
Car le
roy ne lui eust jamais
souffert ne conseillié ce faire,
pour cause des trieves qu’il eust
enfraintes. Mais il se descou
vry bien secretement a
aucuns
chevaliers de
Picardie qui tous fu
rent d’un accort. Car la
prise
de
Calais leur touchoit trop
grandement, a telz que a
monseigneur pb 168 v