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ploitta tant qu’il lui fist avoir paix a
partie, et ravoir la ville de Gand, et la
franchise ce que on n’avoit oncques
veü, dont pluseurs gens en Gand
et en Flandres furent moult esmerveil
liéz. Mais ainsi fut et advint. Avecques
tout ce le conte pour le recouvrer en
chevance et pour tenir son estat, le fist
doyen des maieurs. Cel office lui pou
oit bien valoir mil livres l’an a aler
droiturierement avant. Cil Jehan Lyon
estoit si tresbien du conte que nul mieulx
de lui. En ce temps avoit un autre
lignage a Gand que on appelloit les
Mahieurs et estoient sept freres, et les
plus grans de tous les maieurs. En
tre ses sept freres en y avoit ung qui
s’appelloit Gisebrest Mahieu, riche homme
et sage et soubtil et entreprenant gran
dement trop plus que nul de ses freres.
Cil Gisebrest avoit grant envie sur ce
Jehan Lyon couvertement de ce qu’il le
veoit si bien du conte de Flandres, et
soubtilloit nuit et jour comment il le
pourroit oster de sa grace. Pluseurs
foys il ot en pensé que il le feroit occirre
par ses freres, mais il ne parosoit pour
la doubte du conte. Tant subtilla,
visa et ymagina qu’il trouva le chemin.
Et la cause pourquoy principalment
ilz s’entreheoient, je le vous diray pour
mieulx venir a la fondacion de ma ma
tiere. Anciennement avoit en la ville
de Gand
une guerre mortelle de deux
riches homs mayeurs et de leurs ligna
ges, qui s’appelloit l’un sire Jehan Pierre
et l’autre sire Jehan Barde: par celle
guerre d’amis estoient mors de eulx
XVIII. Gisebrest Mahieu, et ses freres
estoyent du lignage de l’un, et Jehan
Lyon
de l’autre. Ces haynes couvertes
estoient ainsi de longtemps nourries

entre ces deux parties, quoyqu’ilz par
lassent, beussent et mangassent a la
foys ensemble, et trop plus grant compte
en faisoit de lygnage de Gibresest que
Jehan Lyon ne faisoit. Gibresest, qui soub
tilloit a destruire Jehan Lyon sans
cop ferir, advisa ung soubtil tour et
sejournoit une foys le conte de Flandres
a Gand, il s’en vint a l’un des plus prou
chains chambellans du conte et s’acoin
ta de lui, et lui dist: "Se monseigneur
de Flandres
vouloit, il aroit tous les
ans ung grant proufit sur les na
vieurs, dont il n’a maintenant riens.
Et ce proufit les estrangiers navieurs
paieroient, voire mais que Jehan Lyon,
qui doit estre le maistre des mayeurs,
s’en voulsist loyaument acquiter." Ce
chambellan dist qu’il monstreroit ce
au conte, ainsi qu’il fist. Le conte, ainsi
que pluseurs seigneurs par nature
sont enclin a leur proufit, et ne
regardent mie loyaument a la fin ou
les choses puent venir fors a avoir
la mise et la chevanche, et ce les deçoipt,
respondi a son chambellan: "Faictes moy
Gisebrest Mahieu venir, et nous orrons
quele chose il veult dire." Cil le fist
venir. Gisebrest parla au conte et lui
remonstra pluseurs raisons raisonna
bles, ce sambloit il au conte, pourquoy
le conte respondi: "C’est bon que ainsi soit."
Si fut appellé en la chambre en la pre
sence de Gisebrest Jehan Lyon, qui riens
ne sçavoit de ceste matiere. Quant le
conte lui dist et entama et dist: "Jehan,
se vous vouléz, nous arons grant profit
en ceste chose." Jehan, qui estoit loyal,
en ceste ordonnance regarda que ce
n’estoit pas une chose raisonnable et
si n’osoit dire du contraire et respon
dit ainsi: "Monseigneur, ce que vous pb 38 v